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neuf siècles : « Si votre maison prend feu, ne sauvez que l’essentiel. ». « Quand j’ai eu mes deux filles, explique-t-elle, j’ai commencé à mili- ter pour qu’elles apprennent l’arabe. J’ai soudainement pris conscience du manque de soutien scolaire pour les enfants d’immigrés, d’une absence de structures adéquates. Mon premier but, en tant que mère et professeur, visait d’abord cela. Quand j’ai voulu inscrire l’une de mes fi lles en cours d’arabe, je n’ai trouvé que des institutions reli- gieuses. Or je tenais à ce qu’elles accèdent à la culture arabo-musulmane dans un contexte laïque. Cette recherche m’a amenée à créer l’association Averroès qui a pour vocation, en référence à l’ensei- gnement de ce philosophe, de s’adresser à tous ». Dans les trois registres qu’Emna El Abed a considérés comme priori- taires : le soutien scolaire, l’alphabéti- sation, les cours d’arabe. La mairie du Pré-Saint-Gervais a fourni les locaux, le gouvernement tunisien fait partie des donateurs. Cette capacité d’optimiser l’ave-


nir des jeunes immigrés en valori- sant la langue de leurs parents et leur façon de se considérer vise, dit-elle,


« à déconstruire progressivement leur complexe d’infériorité par rapport à l’Occident, car la colonisation a laissé des traces dans les esprits. » Tout le bas- sin méditerranéen, jusqu’à la Nubie, possède quasiment la même culture, la même histoire d’origine punique et romaine, rappelle-t-elle. « Je me suis dit que si nos enfants n’avaient pas un aperçu de cette culture, c’était un gâchis. » Elle les familiarise avec cette histoire par des voyages sur les traces d’Aver- roès au Maroc, des expositions sur la Libye gréco-romaine et sur la Tunisie punique et romaine. Soutenue par une équipe de « fi dèles et de battantes », dont Yassia Fouzai, la trésorière, l’associa- tion est souvent citée dans les médias. Quelquefois, le hasard récom-


pense Emna El Abed : alors qu’elle voyageait en avion, un des anciens élèves la reconnaît et lui raconte que grâce aux cours d’arabe dispensés, il avait pu devenir pilote. Native de Nabeul, amatrice de la poésie d’Abou Nawas et d’Omar Khayyam, Emna El Abed a gardé de cette première vie une gaieté tranquille, alliée à la pugnacité d’une sportive de haut niveau.


Vie associative PATRICK LOZÈS Lutter contre les discriminations


C’est un patient cheminement qui exige de convertir la colère en vigilance active pour interpeller les gouvernants, agir pour réviser les définitions de la colonisation imposées par les histoires officielles, exiger des excuses contre les dérapages verbaux, poser une plaque mémorielle sur le pont de Joinville, là où avait sauté, en avril 2008, le jeune Baba Traoré pour échapper à la police… Le président du Conseil représentatif des associations noires (CRAN), fondé en novembre 2005 et regroupant 120 associations, explique ce travail d’intervention dans le champ public pour lutter contre les discriminations et éclairer la mémoire de la colonisation et de l’esclavage. Par Célina Ovadia


uarante ans ! Pendant quarante ans, la définition de la colonisation reste inchangée dans le dictionnaire, ne rete- nant que la mise en valeur des biens maté- riels. « Il a fallu mener en 2007 moult batailles, rapporte Patrick Lozès, entreprendre une cam- pagne de boycott contre l’intransigeance des diri- geants des éditions Le Robert afi n de modifi er une version de la colonisation inchangée depuis 1967. La nouvelle défi nition datant de 2008 est soutenue par une citation d’Aimé Césaire, « colonisation=chosification », extraite du Discours sur le colonialisme. Le lecteur peut enfi n saisir que l’exploitation de richesses s’est imposée par la chosification des hommes et des destructions humaines. »


Q


« Mal nommer les choses, c’est ajouter


au malheur du monde », cette citation attribuée à Albert Camus qualifi e toute la portée de cet acte de rectifi cation. Il dévoile un pan immense de l’histoire tragique de millions de femmes et d’hommes et ouvre d’autres questionne- ments sur les réalités de la colonisation. Pour Patrick Lozès, le Conseil repré-


sentatif des associations noires (CRAN) ne s’érige évidemment pas en police de la pensée, car « il ne s’agit pas d’une vic- toire sur les éditions Le Robert, mais d’une victoire pour la société française dans son ensemble qui accepte de revisiter son passé sans complexe ni culpabilité ». Cette confrontation aboutie s’inscrit dans les avancées voulues par le Cran « pour amé- liorer la visibilité des populations noires ». Interlocuteur reconnu des pouvoirs publics en France, le Conseil représentatif renforce cette visibilité. Objectif : « s’an- crer comme une voix forte contre les discri- minations au service de l’intérêt général. »


Les statistiques ethniques un « outil de vérité » Trois arguments principaux sont mis


en avant par son représentant pour mesu- rer la vitalité de ses actions au sein de la société française. L’institution devient un élément de référence pour observer l’état des lieux de la discrimination. En proposant les statistiques de la diversité dans le monde associatif et politique, ce principe est plus visible qu’avant la créa- tion du CRAN. « Aujourd’hui, reven-


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