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es parlementaires Verts et communistes français* ont présenté fin juin, à l’Assem- blée nationale, une propo- sition de résolution visant à


créer « une commission d’enquête relative à la recherche de la vérité à propos de l’as- sassinat de Thomas Sankara ». Le 15 octobre 1987, le président burkinabé Thomas Sankara était assas- siné. Sur le certificat de décès figure la mention : « Mort naturelle ». Il avait 33 ans. Ni les Burkinabé, ni les Afri- cains chez qui le leader charismatique avait suscité beaucoup d’espoir, ne croient à cette version. Sankara déran- geait. Le coup d’État mené contre lui a associé des Burkinabé, des Africains, des Occidentaux. Sans que jamais ni les circonstances exactes de sa mort, ni les implications respectives de cha- cun, ne soient clairement déterminées. Vingt-trois ans plus tard, la vérité n’a toujours pas éclaté. Pourtant, de Ouaga à Paris, des associations, opposants politiques, par- lementaires, continuent de militer pour que lumière soit faite. À la demande de parlementaires burkinabé, des députés français ont donc entrepris cette action à l’Assemblée. « Nous lançons cette com- mission aujourd’hui, à un moment his- torique pour le continent africain, alors que dans une partie de l’Afrique se pour- suit le printemps arabe. Dans une autre partie de l’Afrique, l’Afrique noire, des revendications démocratiques se lèvent, observe Noël Mamère, député Verts. Le continent africain n’est pas condamné à la fatalité des dictatures et des régimes corrompus. Ces peuples sont en train de se soulever. Notre rôle n’est pas de soute- nir ceux qui s’enrichissent sur le dos des peuples, là, on se range derrière ceux et celles qui luttent pour leur liberté. Cette commission d’enquête est pour nous une manière de revenir très fortement sur ces manipulations […] On nous cache la vérité sur les raisons qui ont conduit à l’assassinat de Sankara. Nous avons pour


mission de lever le voile sur cette affaire qui reste comme une zone d’ombre dans les relations françaises », poursuit Noël Mamère. « Nous devons, en particulier, faire la lumière sur l’hypothèse accrédi- tant la mise en cause des services secrets français, compromis avec des militaires burkinabé », écrivent les parlementaires français. Pour cela, le gouvernement français doit « lever le secret-défense » préconise Roland Muzeau, député communiste.


Tergiversations Une action avant tout symbolique,


la requête des députés n’ayant que peu de chance d’aboutir. « Déposer la demande de commission d’enquête ne veut pas dire qu’elle soit acceptée. Une commis- sion ad hoc doit donner son accord. J’en doute fort, avoue Noël Mamère. Si elle ne désigne pas de rapporteur, cela veut dire qu’elle signe l’arrêt de mort de cette commission. On pourra reposer la ques- tion lors de la formation d’une nouvelle Assemblée (après les élections) peut-être plus réceptive à ce type d’affaire. Mais pour nous, le fait de déposer cette demande, c’est une manière de reposer la question de la Françafrique, de l’impunité, de la violence, pour que les médias relaient cette volonté qui est la nôtre de ne jamais céder ». Une autre initiative, tout aussi symbo-


lique, a permis de faire parler à nouveau de l’affaire Sankara. Une pétition a été lancée, en décembre 2009, par un collectif inter- national, pour réclamer l’ouverture d’une enquête internationale indépendante et l’ouverture des archives, en France notam- ment, ce qui pourrait permettre d’appor- ter de nouveaux éléments. La pétition a recueilli plus de 7 000 signatures. Mais les gouvernements burkinabé


les gouvernements burkinabé et français ne semblent pas décidés à faire avancer le dossier.


et français ne semblent pas décidés à faire avancer le dossier. « Il y a plus de dix ans, un collectif a été créé pour deman- der l’ouverture d’une enquête sur la mort de Sankara. Depuis 13 ans, le pouvoir burkinabé tergiverse, indique Bruno Jaf- fré, biographe du leader et membre de la coalition Justice pour Thomas Sankara, un des signataires de la pétition. Une procédure auprès de la commission des droits de l’Homme de l’ONU a éga- lement été engagée. Dans un premier temps, elle a exprimé des recommanda-


tions au gouvernement avant de revenir sur ses pas deux ans après, déclarant ne pas avoir à se mêler de cette affaire. Le gouver- nement a simplement changé le certificat de décès et proposé de l’argent à la famille qui a toujours refusé. Nous avons voulu porter la démarche en France, aux élus du peuple français ».


Lever la chape de plomb La veuve de Sankara, Mariam San-


kara, appuyant la démarche des députés burkinabé, a elle aussi écrit aux parle- mentaires français. « Au nom de la famille de feu le président Thomas Sankara, je tiens à vous dire merci de l’aide que vous nous apportez dans la lutte contre l’impu- nité que nous menons depuis 14 ans avec la Campagne internationale justice pour Sankara. […] Nous sommes sûrs que si cette commission peut travailler de façon impartiale et sereine, elle nous apportera une contribution majeure à la cause […] et aidera à faire la lumière sur cette affaire, tout en contribuant à éviter la reproduc- tion d’actes d’impunité de cette ampleur en Afrique ». C’est tout le sens que prend cette


démarche auprès des parlementaires français, selon Odile Tobner, prési- dente de l’association Survie. « Un des maux qui accablent l’Afrique, explique-t- elle, ce n’est pas le fait que les Africains ne sont pas aptes à se développer comme l’ont dit certains, dont notre Président, mais que ceux qui veulent changer les choses en Afrique sont tués. C’est l’exemple de Sankara. Ses discours restent prophétiques, il a clairement dit tout ce qui empêchait l’Afrique de se développer, précise-t-elle. On ne lui a laissé que quatre ans pour travailler au changement de son pays avant de le faire disparaître. Alors que d’autres restent 24, 25 ans, indéboulon- nables, parce qu’ils sont soutenus par la France. Nous devons suivre l’exemple de la Belgique qui, sur la mort de Lumumba, a réalisé un travail exceptionnel. Il faut lever la chape de plomb qui pèse sur la politique africaine de la France ». n


* Noël Mamère, Marie-Hélène Amiable, François Asensi, Martine Billard, Alain Boc- quet, Patrick Braouezec, Jean-Pierre Brard, Marie-George Buffet, André Chassaigne, Yves Cochet, Marc Dolez, Jacqueline Fraysse, André Gerin, Pierre Gosnat, Jean-Paul Lecoq, Roland Muzeau, Daniel Paul, Anny Poursinoff, François de Rugy, Jean-Claude Sandrier et Michel Vaxès.


Septembre - Octobre 2011 • NEW AFRICAN • 51


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