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Son confrère, Me Tayeb Belloula


estime qu’en remettant en question l’in- dépendance de la défense, la chancellerie porte directement atteinte aux droits des justiciables. « L’avocat est le garant d’un véritable débat judiciaire. Il est le gardien vigilant des droits de la défense, c’est pour cela qu’il doit être à l’abri de toute pression, d’où qu’elle vienne, au même titre que les juges », rappelle-t-il. D’autres avocats connus ont rejoint


la contestation. À leur tête le président de l’Ordre des avocats, Me Abdelmadjid Sellini qui dénonce la mise sous tutelle des ordres de la profession. « Il existe un certain nombre de dispositions qui mettent les délibérations des assemblées du conseil de l’Union et de l’assemblée générale des bar- reaux – qui est l’instance souveraine – sous le contrôle du ministre de la Justice. Les décisions des barreaux et de l’Union des bar- reaux peuvent donc être soumises à la censure des juridictions administratives, », déplore le bâtonnier.


La colère gronde


Fin juin, à Alger, les avocats défilaient contre un projet de loi considéré comme « liberticide ».


général. Nous appartenons à un Ordre des avocats qui est indépendant », s’élève Me Amine Sidhoum, membre du bâton- nat d’Alger. Comme l’ensemble de ses confrères, il a arpenté les rues de la capi- tale pour demander le retrait du texte controversé. « Ce projet de loi est liberticide. Il y a une volonté, à travers lui, de porter atteinte aux droits de la défense et à l’indé- pendance du barreau vis-à-vis du pouvoir exécutif. Nous avons recensé 42 articles où le terme “ministre” ainsi que 7 articles où le terme “ministère” sont utilisés et qui sont de véritables interférences, depuis l’admission jusqu’aux conditions d’exercice de la profes- sion d’avocat alors que celle-ci est censée être libérale et indépendante. Certaines disposi- tions sont une épée de Damoclès sur la tête de l’avocat et attentent à la libre plaidoirie et à la liberté d’expression », constate Me Nourredine Benissad, avocat et vice-pré- sident de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme.


Anticipant l’assentiment probable des parlementaires, il compte sur la mobilisa- tion de ses confrères pour bloquer l’avant- projet de loi. À travers le pays, la colère des avocats gronde. Les jeunes recrues en particulier, s’élèvent contre les entraves compromettant leur carrière. En vertu du nouveau texte, elles doivent accomplir un long parcours du combattant (sept années d’exercice et deux autres de stage), avant d’obtenir le droit de plaider devant une cour. « Les jeunes avocats considèrent cela comme un traitement discriminatoire, étant donné qu’ils ne peuvent plaider que dans les tribunaux et risquent d’être marginalisés », souligne le bâtonnier Sellini. Évoquant l’exclusion des membres


du barreau lors de la préparation du sta- tut en question, il assure que le bâtonnat d’Alger n’a jamais été consulté. « On a tout fait pour qu’il ne soit pas présent au moment opportun des discussions. Et j’ai, à chaque fois, réclamé et proposé le retrait des dispo- sitions qui limitent les droits de la défense et mettent sous tutelle les Ordres des avocats », fait-il savoir. Connu pour être le défenseur privi-


légié des journalistes, Me Khaled Bou- rayou attaque ouvertement les autorités qui reviennent en arrière au lieu d’avan- cer dans la voie de la réforme. Qualifiant le délit d’audience de « moyen-âgeux », il soupçonne le pouvoir exécutif de vouloir


ainsi museler les avocats. Me Bourayou se demande pourquoi le ministère de la Justice, à l’origine du projet de loi, n’a pas appliqué les recommandations de la commission de la réforme de la justice qui souhaitait voir consolider le rôle des avo- cats afin de leur permettre de mieux por- ter assistance à leurs clients, notamment durant les gardes à vue. Me Benissad enfonce le clou en affir- mant que ce projet est « en opposition avec les dispositions de la Constitution algérienne qui garantissent le droit de la défense, et n’est pas conforme aux Conventions internatio- nales sur les droits de l’homme ratifiées par l’Algérie ».


De flagrantes contradictions La mouture proposée au vote des parlementaires comporte de flagrantes contradictions. L’article 2 indique clai- rement que « la profession d’avocat est une profession libérale et indépendante qui œuvre pour le respect et la sauvegarde des droits de la défense et […] concourt à l’œuvre de jus- tice, au respect du principe de la primauté du droit et à la garantie de la défense des droits et libertés des personnes ». Or quelques articles plus loin, l’avocat devient un auxiliaire de justice, sur lequel la chancellerie peut exercer son autorité. « L’obligation est faite désormais à l’avocat, menacé de poursuites pénales, de ne pas se retirer d’une audience même lorsque le déroulement d’un procès est biaisé », constate le bâtonnier Sellini. Le statut actuel des avocats date de


1991. Le délit d’audience a été supprimé bien avant, dans les années 1970. En arrivant au pouvoir en 1999, le président Abdelaziz Bouteflika avait engagé un vaste chantier portant sur la réforme de la jus- tice, avec notamment la promotion du droit de la défense. Une commission avait été mise en place pour réviser le fonction- nement de l’appareil judiciaire. Ironie du sort, le professeur Mohand Issad, prési- dent de cette instance vient de décéder. La mort de cet avocat de renom a précédé de quelques semaines la levée de boucliers de ses confrères. Encore aujourd’hui, son projet de réforme est enfoui dans un tiroir.


« Tout ce que je sais est que le système de la justice est loin de suivre les recommandations du rapport », a-t-il relevé il y a quelques années, avec beaucoup d’amertume. Me Issad a milité tout particulière-


ment contre l’usage exagéré de la détention préventive, une pratique abusive face à laquelle les avocats sont… impuissants. n


Septembre - Octobre 2011 • NEW AFRICAN • 21


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