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Rached Ghannouchi, une « tête de turc » C’est celui que les


habitants les quartiers chics de la banlieue nord de Tunis, d’El Menzah et d’Ennasr, aiment détester. Les élites dites démocratiques, progres- sistes et vaguement laïques, le soupçonnent de vouloir imposer la charia dans le pays le plus séculariste du monde arabo-islamique. Procès d’intention ? Peut-être. Rached Ghannouchi,


leader du parti Ennahdha (« Renaissance », fondé en 1981 et légalisé après la révolution de 2011), héritier de la Jamâa Al-Islamiya (1972-1981), puis du Mouvement de la tendance islamique (1981-1988), essaie de se démarquer des groupes fondamentalistes purs et durs. Il se réclame d’un islamisme soft, à la Turque. Ses modèles sont désormais l’AKP, le Parti pour la justice et le dévelop- pement de Recep Tayyip Erdogan, qui a réussi à faire rimer identité islamique, laïcité et essor économique. Mais Ghannouchi a du mal à convaincre : ses positions passées, dans lesquelles aiment l’enfermer ses détracteurs, ne plaident pas pour lui et son parti. Né en 1941 à


El-Hamma, un village


oasien près de Gabès (littoral Sud-Est), l’un des fiefs historiques du syndicalisme tunisien, Rached Ghannouchi a fait l’essentiel de ses études supérieures en Égypte et en Syrie. C’est dans ces deux pays qu’il a fait la découverte des idéologies nationaliste arabe et islamiste, alors en vogue. Diplômé de philosophie


en 1969, le jeune Ghannouchi commence à fréquenter les groupes islamistes, notamment les Frères musulmans et la Jamaat Tabligh. Il entame parallèlement une mission de prédication dans les quartiers peuplés d’immigrés nord-africains en France, où il séjourne quelque temps. De retour en Tunisie au début des années 1970, il fonde, avec des jeunes de son âge acquis aux idées des Frères musulmans, la Jamâa Al-Islamiya. Le séculariste


Bourguiba ne tarde pas à réagir. Les dirigeants islamistes tunisiens font alors leurs premiers séjours en prison. Ghannouchi passera au total trois ans derrière les barreaux. Ben Ali, qui lui évitera


Ahmed Néjib Chebbi, en haut de l’affiche ! À 67 ans, Ahmed Néjib


Chebbi, avocat, leader du Parti démocratique progres- siste (PDP, centre-gauche), est parmi les personnalités les plus en vue de la scène politique tunisienne. Au lendemain de la fuite de Ben Ali et de la chute de son régime, certains sondages ont donné cet avocat affable et fin orateur en tête des


l’échafaud auquel le destinait Bourguiba, ne tarde pas à mettre Ghannouchi et les autres dirigeants d’Ennahdha dans sa ligne de mire. C’est la longue traversée du désert de l’homme et de son mouvement, qui durera plus de vingt ans. De retour en Tunisie


en mars dernier, à la faveur de la « révolution du jasmin », Ghannouchi déclare d’abord qu’il n’a pas l’ambition de briguer des mandats politiques, qu’il compte organiser un congrès et céder le témoin aux jeunes de son parti. Mais une fois Ennahdha légalisé, il prend goût au combat politique et se jette dans la mêlée. Désormais, on ne voit plus que lui : à 70 ans, il retrouve un appétit d’ogre. Ses partisans cassent


leur tirelire. L’argent coule à flot. On parle même de financements étrangers, notamment des pays du Golfe, ce qui reste à vérifier. En quelques semaines, le parti ouvre des permanences dans toutes les régions du pays. Ses meetings drainent un plus grand nombre de sympathisants que ceux de ses adversaires. Il n’en faut pas plus pour que les bien pensants commencent à brandir le risque d’un « péril islamiste ». Et c’est le sulfureux Ghannouchi, avec son tempérament cassant, qui incarne le mieux ce « péril ». Ce qui n’est pas pour rassurer ses adversaires politiques, au moment où les sondages d’opinion donnent Ennahdha en tête des partis les plus familiers des Tunisiens. Et son dirigeant parmi les plus connus. ●


Rached Ghannouchi (C) entouré de


Mohamed Jebali (G) et Ali Laaridh (D).


présidentiables. L’homme, qui ne manque pas de charisme, a eu la faiblesse de les croire et de se jeter très tôt dans la bataille. Cependant, le


changement de l’agenda politique national, avec l’inversion des urgences – l’élection présidentielle initialement prévue ayant laissé la place à celle d’une


Assemblée constituante, puis le report de ce scrutin du 24 juillet au 23 octobre –, a contrarié les plans de Me Chebbi, qui paye aujourd’hui les conséquences de son entrée prématurée dans la course au Palais de Carthage, avec affiches géantes et encarts publicitaires dans les journaux (imprimés


et électroniques). Cet empressement, conjugué à l’indulgence dont il fait montre à l’égard des membres de l’ancien parti au pouvoir, n’a pas manqué de susciter la suspicion chez beaucoup de Tunisiens qui voient en lui, à tort ou à raison, le Cheval de Troie des rescapés de l’ancien régime, encore présents


Septembre - Octobre 2011 • NEW AFRICAN • 5


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