Les grands entretiens
avez raison de le noter, c’est un groupe d’idéologues qui s’est par la suite saisi de ce cadre analytique pour lui donner une lecture politicienne en l’inscrivant dans un projet impérial. Huntington mettait d’ailleurs également mal à l’aise les bien pensants tiers-mondistes qui voyaient d’un œil suspect son appel à la restauration de l’identité occidentale, sans comprendre que la défense de l’Occident se faisait chez lui non pas sur la base de son universalité, mais sur la base, somme toute légitime, d’une affiliation valable ailleurs. Pour autant, il est indéniable qu’au cours des deux dernières décennies, une perception antagoniste de différences d’ordre culturel et non politique, idéologique ou économique entre peuples est devenue une matrice internationale décriée par tous, mais qui, au quotidien, aura au bout du compte déterminé négativement trop de paramètres d’interactions entre l’Occident et « les autres ». Au-delà du propos électoral et du nécessaire contraste
avec l’héritage de son prédécesseur, je doute que le président Obama ait eu l’ambition de redéfinir fondamentalement la place des États-Unis dans le monde. C’est plutôt l’image de celle-ci qu’il lui importait de modifier. Précisons également que les excès de l’administration Bush et son dynamisme martial avaient à la fois aliéné ses partenaires, européens notamment, et rendu la gestion de son empire quasiment impossible, de surcroît avec une économie exsangue. La rhétorique de la destinée manifeste n’est pas très loin puisqu’en mai 2011, Obama relativisait encore devant le parlement britannique la montée en puissance des pays émergents et insistait sur la mission de catalyseur des États-Unis à l’échelle mondiale qui, notait-il,
coordination régionale politisée qui n’inclue pas tous les pays concernés par ce problème global, ainsi que par des opérations militaires qui, si elles peuvent donner des résultats importants à court terme, ne résoudront pas à elles seules le problème.
La guerre des perceptions entre monde musulman et Occident a failli être transformée en guerre de civilisation par une poignée d’idéologues néoconservateurs. De quelle manière le président Obama a-t-il pesé sur les événements pour sortir l’Amérique
le président Obama ait eu l’ambition de redéfinir
la place des États-Unis dans le monde.
C’est plutôt l’image de celle-ci qu’il lui importait de modifier.
de sa vision messianique et conquérante ? Soyons factuels. On a fait un mauvais procès à Samuel Huntington. Dans son article de 1993 dans Foreign Affairs, le politologue américain, certes conservateur, s’interrogeait sur le fait que la fin de la guerre froide annonçait le début d’une ère qui serait marquée par la montée des tensions entre les différents groupements culturels, en particulier entre l’Occident et l’islam. Contrairement à la façon dont on a présenté son propos – une simple théorie de sciences politiques – il n’appelait pas au conflit de civilisations. Vous
30 • NEW AFRICAN • Septembre - Octobre 2011 fondamentalement Je doute que
« reste indispensable ». Enfin, la prison de Guantanamo n’a pas été fermée, le Patriot Act a été renouvelé, les tribunaux militaires d’exception ont été rouverts et les guerres se sont poursuivies en Afghanistan et en Irak.
Afghanistan, Irak, force est de constater que les guerres menées par les États-Unis
– avec des milliers de morts et des destructions considérables – se déroulent dans le monde arabe ou musulman. Les enjeux géostratégiques suffisent-ils à expliquer cette présence et ce pouvoir d’influence ? C’est ici que réside encore la vulnéra-
bilité de la position américaine à l’égard du monde musulman : un discours constructif de promotion de la démocratie
et d’accompagnement de la modernisation de ces pays, et une action qui passe trop souvent par le biais de la force et du double standard. Sous Bush, et précisément à la faveur du traumatisme du 11-Septembre, nous sommes passés d’une influence continue depuis les années 1950 et d’interventions ponctuelles (au Liban, en Irak) à des occupations néocolo- niales. On s’est ensuite gargarisé de la « défaite » d’Al-Qaïda à l’occasion de la mort de Ben Laden. Mais c’était se donner le change en mélangeant les genres. La logique de guerre de Ben Laden était orientée vers les États-Unis qu’il a réussi à frapper et à entraîner dans des guerres interminables qui sont autant
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