Spécial diaspora Politique
MADAME LE MAIRE EST ALGÉRIENNE
Mouna Hamitouche est une exception. Cette Algéro-britannique est l’unique chef de municipalité d’origine nord-africaine dans tout le Royaume-Uni. Elle s’est lancée en politique, en 2006, sous la bannière des travaillistes. Sa circonscription est peuplée par une forte communauté algérienne qu’elle entend également servir. Parcours d’une femme d’action. Par Samia Lokmane-Khelil, correspondante à Londres
C
omme sa famille et ses amis, ses administrés l’appellent tout simplement Mouna.
Dans son bureau au siège de la municipalité d’Islington, au nord de Londres, Mme le maire reçoit avec la bonhomie qui a marqué son long parcours mili- tant. Exit le protocole. Place à l’action. Au moment de se rendre à la cérémonie de son investiture, Mouna Hamitouche avait encore l’oreille collée au téléphone pour s’assurer de la présence d’amis algériens aux- quels elle voulait montrer que les origines ne sont pas un frein à la réussite dans un pays étranger. À Islington se trouve la plus
importante communauté algé- rienne de Londres, concentrée à Black Stock Road, un quar- tier baptisé, à juste titre, « Little Algiers ». Dans cette enclave assez démunie, rodent les sans-papiers. Sans le sou et parfois sans logis, ils se reconvertissent souvent dans le vol à la tire ou le trafic de drogue. En mars 2008, Scotland Yard avait entrepris de les délo- ger en conduisant, à l’aveuglette, un raid d’une rare violence. Des commerçants sans problèmes avaient été interpellés et leurs magasins saccagés. « Le spectacle des commerces dévastés m’a rap- pelé les razzias de l’armée coloniale en Algérie », commente Mouna. Accompagnée de Jeremy Cor- byn, représentant d’Islington au parlement, elle se précipite à Black Stock Road pour appor- ter son soutien aux riverains. Révoltée, l’élue s’élève contre la brutalité des policiers par des
déclarations dans la presse. En même temps, elle s’emploie à sensibiliser les membres du conseil municipal et des députés qui obligent la police métropoli- taine à présenter ses excuses.
Détermination Ne s’avouant jamais vaincue,
Mouna est dotée d’une déter- mination qui lui a fait gagner d’autres batailles. En 2007, elle avait participé à une campagne municipale en faveur de l’ins- tauration de repas gratuits dans les écoles. Munie de prospectus, elle a frappé à plusieurs mai- sons, sans jamais craindre d’être rabrouée par des propriétaires n’ayant ni le temps ni l’envie d’intervenir dans une affaire de cantines. « Mouna n’a jamais pris un refus pour une réponse défini- tive », observe James Murray, un de ses collègues au conseil muni- cipal. Il se souvient notamment d’une conversation soutenue, mais infructueuse, qu’elle avait tenue avec un riverain à propos des repas gratuits. « Après avoir échoué à le convaincre, elle a pro- mis de contacter sa femme qu’elle connaît », relate James Murray. Dans la salle des cérémonies
de la mairie, il a assisté comme tout le monde à « l’intronisation » de son amie. Dans son costume couleur vermeil, la petite dame, rayonnante, a exprimé sa grati- tude aux électeurs et aux cadres du Parti travailliste qui ont su lui accorder leur confiance. Sa reconnaissance s’adressait tout particulièrement à Emily Thornbery, une représentante à
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la Chambre des communes qui l’avait encouragé à entrer dans la course électorale. Pour la députée, c’est l’Algérienne qui est l’artisan de son succès. « Elle est dynamique, motivée, et toujours prête à servir les autres », assure-t-elle. À Islington, un vivier mul-
tiethnique ou cohabitent 20 000 personnes, Mouna entend s’in- vestir davantage dans la protec- tion de la petite enfance. Elle est mère de trois enfants, dont l’aînée, Camelia, a décroché le bacca- lauréat, « avec mention très bien », précise-t-elle avec fierté. Camelia a rejoint Mouna à la mairie en tant que bénévole alors que son mari, Hamid, conseiller légal au consulat d’Algérie à Londres, se contente de suivre de loin la pro- gression de sa carrière politique.
De l’enseignement à la politique
Le couple s’est formé à l’uni-
versité d’Alger dans les années 1980. Hamid et Mouna étaient tous les deux chargés de cours à l’Institut de la communication et de la formation. La future maire avait opté pour l’enseignement, après un détour en France où elle avait obtenu un doctorat dans les sciences de la communication. Au cours des années 1970, elle avait travaillé comme journaliste dans un quotidien algérien à la rubrique consacrée aux femmes, un sujet qui lui tient à cœur. À Londres – où elle vit
depuis une vingtaine d’années – l’émigrée s’est trouvée confron- tée à l’existence assez triste de nombreuses compatriotes. Pour les sortir de leur isolement, elle a mis en place une association, The Algerian-British Connec- tion (ABC). Pendant de longues années, des femmes, quelques fois en situation irrégulière ou abandonnées par leur époux,
se sont succédé dans les locaux d’ABC en quête de soutien et de réconfort. Grâce aux aides finan- cières qu’elle a réussi à obtenir auprès d’organismes publics et de certaines municipalités, Mouna a monté des ateliers de couture et de broderie où ses invitées pouvaient apprendre un métier et sortir de leur solitude. Le succès de cette première
initiative lui fait pousser des ailes. Elle se lance dans la recherche de fonds pour de nouveaux projets. En Grande-Bretagne, la phi- lanthropie est un pan de l’iden- tité nationale. Les associations caritatives poussent comme des champignons, nourries par la générosité publique. En décro- chant le mandat de conseiller municipal en 2006, Mouna élar- git le cercle de ses donateurs. Elle sollicite sa propre municipalité pour l’acquisition d’un nouveau local pour ABC et fait du démar- chage auprès des mairies voisines. L’une d’elles, Camden, lui a versé de l’argent pour un projet de microcrédit. C’était une période faste. Aujourd’hui, les donations se font plus rares. La crise écono- mique a contraint les services publics à prendre des mesures d’austérité et l’altruisme peine à trouver sa place. Comme les autres associations, ABC souffre de cette disette. Pour autant, sa présidente ne veut pas baisser les bras. Après avoir fait le tour des institutions britanniques, elle s’adresse au gouvernement algé- rien qui, à son avis, devrait s’im- pliquer davantage dans la prise en charge des besoins de la commu- nauté algérienne au Royaume- Uni. Mouna, qui milite pour la création d’une Maison de l’Algé- rie, a profité de la visite d’État du président Bouteflika à Londres, en juillet 2006, pour l’interpeller
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