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Des clandestins reconduits aux frontières par les autorités algériennes ont parfois été abandonnés dans le désert, avec un litre de lait et un morceau de pain.


ignorance de leurs droits, soit par peur d’être déportés. Livrés à leur sort et à la merci des trafi quants, les migrants vivent dans une pro- fonde solitude. Ils rasent les murs comme des ombres. Une grande partie de la


population ignore leur drame. Pour les Américains, ce manque de conscience, est à mettre, une fois de plus, sur le compte des autorités qui n’ont engagé aucune campagne de sensibili- sation pour alerter le public sur l’ampleur du fléau et tenter de le prévenir. « Des responsables ont annoncé la mise en place d’un groupe de travail interministériel pour coordonner des actions en faveur de la lutte contre l’exploita- tion des personnes. Mais il ne s’est jamais réuni », constate l’étude, dont la publication, fin juin, a suscité des réactions contrastées en Algérie.


Si les immigrés sont les victimes pri-


vilégiées des trafiquants d’êtres humains, les autochtones ne sont pas épargnés. Les sources du département d’État américain assurent que la prostitution forcée touche aussi les Algériennes. Hors de leur pays, les Algériens font également l’objet d’exploita- tion : 23 enfants ont ainsi été victimes de tra- fi c en Norvège. Des informations qui dévoi- lent l’incapacité de l’État algérien à protéger ses ressortissants à l’étranger. Intra-muros, le sort infl igé aux clandes- tins africains est encore plus accablant. Les Américains accusent l’État de grave passi- vité. « Le gouvernement n’a pas accompli d’ef- forts notables pour appliquer la loi sur la lutte contre le trafi c des êtres humains. Par ailleurs, il n’a engagé aucune action pour prévenir les pratiques d’exploitation et protéger les vic- times », souligne le rapport.


Aucune personne n’a été arrêtée ou condamnée


Pourtant, le nouveau Code pénal punit


de dix ans d’emprisonnement tout indi- vidu se rendant responsable de trafi c d’êtres humains, une peine doublée en cas de cir- constances aggravantes. Néanmoins, depuis leur promulgation en mars 2009, ces dispo- sitions n’ont jamais été appliquées. « Aucune personne n’a été arrêtée ou condamnée », commentent les Américains. Ils accusent indirectement certains services de police de complicité avec les trafi quants, dont les


fameux chefs de village africains. Selon une ONG citée dans le rapport, des femmes forcées à la prostitution sont souvent relâ- chées par les policiers à la demande de leur souteneur.


En octobre 2010, un journal local avait


annoncé la création d’une unité spéciale des forces de sécurité, dans le sud du pays, pour endiguer le phénomène de la traite et traquer ses auteurs. Or les autorités n’ont jamais confi rmé l’existence de ce corps. Sou- lignant le désengagement du gouvernement, le département d’État fait savoir que l’Algé- rie n’a jamais répondu aux offres faites par des pays étrangers pour la formation de son personnel ; et se montre indifférent au sort des victimes.


Par ailleurs, des clandestins reconduits


aux frontières avec le Niger et le Mali ont parfois été abandonnés dans le désert, avec un litre de lait et un morceau de pain. Cer- tains en sont morts. « Le gouvernement algé- rien n’offre aucune alternative aux victimes, même pas une aide psychologique ou légale. Celles-ci sont expulsées vers d’autres pays ou elles sont exposées à la pauvreté et à la vin- dicte », souligne le texte. Des ONG locales révèlent avoir été


empêchées d’ouvrir des refuges pour accueillir les victimes du trafi c, à cause de leur situation illégale. En matière de soins, les clandestins peuvent, comme tout le monde, accéder aux centres de santé. Néan- moins beaucoup ne s’y rendent pas, soit par


Maître Farouk Ksentini, président


de la Commission nationale consultative de défense et de promotion des droits de l’Homme, une instance proche du gou- vernement, s’est montré scandalisé par sa teneur. « Le contenu du rapport est inaccep- table du début jusqu’à la fi n », s’est-il indigné, ajoutant qu’il « ne repose sur aucun élément fondé ». Maître Mustapha Bouchachi, pré- sident de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme, ne partage pas cet avis : « Je plains le gouvernement de n’avoir pas mené d’enquêtes pour lutter contre le trafi c d’hommes ». Selon l’avocat, les autorités ne luttent que contre l’immigration clandes- tine, les réseaux de prostitution et de trafi c de drogue. « Il y a un trafi c d’êtres humains sur le territoire algérien et le gouvernement n’a pas pris les mesures nécessaires pour lutter contre ce phénomène », estime-t-il. Directement concerné, le ministre de la


Justice a refusé de commenter le rapport du département d’État. En l’absence de statis- tiques offi cielles, personne n’est capable de dénombrer les victimes de la traite en Algé- rie. Un crime qui touche environ 27 mil- lions d’êtres humains dans le monde. En préambule au rapport, Hillary Clinton, la secrétaire d’État américaine, déplore le recul constaté dans la lutte contre l’exploitation des êtres humains. Le nombre de pays ne respectant pas les règles de protection des populations contre l’esclavage moderne a doublé en 2011. n


Septembre - Octobre 2011 • NEW AFRICAN • 23


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