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OPINION Par Christian d’Alayer


bonnes voies routières vers tous ses voisins. Le Cameroun a, de plus, créé des comptoirs commerciaux face à chacun de ses voisins, devenant ainsi la plaque tournante du commerce de l’Afrique centrale. Ceci étant, il « pèse » démographiquement quatre fois et demie moins que son rival, et on ne le voit pas supplanter le grand Congo à long terme. Mais il peut résister s’il sait créer des « niches » dans lesquelles il restera toujours le meilleur. Il y a l’accès maritime, on l’a vu, mais il y a aussi le commerce et les banques, deux activités dans lesquelles le Cameroun est déjà bien ancré. Plus la culture dont il peut conserver quelques beaux pans, notamment en arts plastiques, quand Kinshasa se sera relevé de ses blessures. Et à condition que l’Angola ne lui porte pas ombrage :


car ce pays, s’il est petit (moins de 15 millions d’habitants dont un tiers à Luanda) possède probablement l’une des plus grandes réserves de pétrole au monde. Un pétrole offshore, certes, et qui ne monte donc que progressivement en puissance, mais qui confère déjà aux dirigeants angolais de formidables marges de manœuvre en matière de puissance régionale. Rappelons-nous l’effet de son armée dans les combats congolais, tant en territoire « démocratique » qu’au nord du fleuve Congo. L’Afrique centrale de demain sera donc faite très probablement d’un réveil du Congo-Kinshasa affublé de deux appendices, l’un, financier, à l’Ouest, l’autre, commercial, au Nord. Un ensemble redoutable tant pour l’Afrique de l’Ouest que pour l’Afrique australe qui, pour l’instant, n’est guère concurrencée dans son pré carré austral et de l’Est : 150 millions d’habitants en comptant la Tanzanie et une économie, celle de l’Afrique du Sud, digne d’une économie d’Europe, avec ses multinationales et sa technologie. Plus des mines encore plus invraisemblables que celles du Congo Kinshasa et des banques à faire pâlir d’envie celles du Nigeria ou du Cameroun. Mais que ces pays ne connaissent pas vraiment parce que lesdites banques ont suffisamment de travail dans leur sous-région, enfin ouverte depuis la fin de l’apartheid, pour ne pas se lancer aussi à l’assaut des autres régions subsahariennes. Seules pour l’instant quelques multinationales ont pénétré ces marchés, telles les South African Breweries ou l’opérateur de téléphonie mobile MTN. Mais il suffit de savoir que l’Afrique du Sud a fait du Mozambique l’un des tout premiers fabriquant d’aluminium du sud de la planète, pour se rendre compte du travail réalisé


« chez lui » par le géant sud-africain ! Du coup, c’est toute la sous-région qui en profite, Zimbabwe inclus, en connaissant un envol général de sa croissance. D’ailleurs plus forte hors RSA qu’en RSA ! Politiquement, les césures suivent à peu de chose près :


- Au nord du Sahara, la désunion persiste. Les relations commerciales sont surtout Sud-Nord et les antagonismes ont plus que du mal à être surmontés.


- À l’Ouest, les Français ont entamé une sorte de retour en force, mais tellement en force qu’ils se sont aliénés une bonne partie des jeunes Africains de toutes origines : à moyen terme, c’est bel et bien le Nigeria qui en sortira vainqueur, quand l’aura de la Côte d’Ivoire aura fini de s’étioler.


- À l’Est, l’émergence de l’Éthiopie n’est pas encore visible internationalement. On parle surtout du Kenya dont, pourtant, les ports ont perdu la bataille de l’Asie (gagnée


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par Djibouti et donc l’Éthiopie). Et je crois qu’on va voir très vite que le Kenya n’est qu’un leurre car « création occidentale » face à une Éthiopie totalement méconnue. Déjà le « Somaliland », cette partie nordique de la Somalie ayant proclamé son indépendance et vivant plutôt mieux que le sud du pays, travaille essentiellement avec le port de Djibouti.


- Au centre et pour l’instant, la puissance dominante politi- quement reste l’Angola, du fait de ses armes et de sa richesse. Mais le Cameroun est là, et bien là, économiquement et culturellement. L’ex-Zaïre est sous la coupe occidentale depuis tellement longtemps et avec tellement de férocité qu’on peut parler d’éveil et non de réveil. Pourtant, il fut avec le Zimbabwe le cœur de la grande civilisation bantoue, celle qui inventa la première langue commerciale du monde (le lingala) et les premières relations commerciales interafri- caines…


- Enfin, au sud du continent, l’avenir est déjà présent, avec une intensification de la « Négritude » dans les affaires, du seul fait de la sous-régionalisation. Elle reste un objectif en RSA, mais elle est déjà un fait tout autour de la RSA… Reste l’aspect militaire. Les Subsahariens ont pu être de


redoutables guerriers, notamment en Afrique du Sud. Mais ça n’est pas leur « tasse de thé » pourrait-on dire, d’autant qu’ils manquent d’argent pour s’armer. Et c’est l’unique raison pour laquelle ils ont été dominés aussi longtemps. Car dans un aussi grand continent, c’est surtout la liberté qui, jadis, a fleuri : quand le gouvernement d’une contrée ne plaisait pas, les mécontents pouvaient se contenter de déménager ! D’où l’organisation de sociétés très spéciales, dans lesquelles n’existait par exemple aucune prison : les torts faits à des tiers se réparaient économiquement. Ni de peine de mort : les assassins étaient simplement bannis. L’arrivée des Arabes d’abord, puis des Européens, changea tout cela au point de faire perdre leurs repères traditionnels aux Subsahariens. Lesquels, en dépit d’une religiosité parmi les plus ferventes au monde, ont pu commettre des massacres indignes de ces repères. Et que des Africains appellent aujourd’hui « aux armes » contre l’Occident néocolonisateur est tout aussi contraire aux mentalités de peuples qui trouveront pleinement leur « imperium » quand l’économique, ayant chassé un militarisme devenu stupide, laissera place aux batailles culturelles et philosophiques. Soit après-demain… En attendant, ceux qui croient en l’unité de l’Afrique


vont vivre des moments difficiles. Car cette unité est d’ores et déjà finie ; elle fut inventée contre les envahisseurs et ceux-ci sont revenus avec l’assentiment d’une partie des pays membres, contre la volonté des autres. Et elle n’a pas de raison d’être telle qu’elle est quand les puissances montantes sont des puissances sous-régionales économiquement antago- nistes. Bref, l’Afrique de demain – et déjà d’aujourd’hui – est une Afrique morcelée, mais en gros morceaux et non plus en « frontières héritées de la colonisation ». Au moins les Africains auront su, mais pacifiquement eux, surmonter ces fameuses frontières. Les migrations interafricaines sont bien plus importantes que l’émigration d’Africains en Occident, mixant les cités et préparant des lendemains qui ressem- bleront de moins en moins à ce qui vient de se passer en Côte d’Ivoire. n


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