SÉNÉGAL POLITIQUE
WADE PERD LA « RUE PUBLIQUE »
Le Cafard Libéré, journal satirique sénégalais indépendant qui connut son heure de gloire à la fin des années 1980 et au début des années 1990, avait surnommé Abdoulaye Wade, alors opposant, le « Président de la rue publique ». Aujourd’hui, plus que le pouvoir qu’il contrôle toujours, ne serait-ce que sur la forme, c’est surtout cette « rue » qu’il affectionne que Me Wade a perdu. Deux dates resteront mémorables : les 23 et 27 juin, lorsque des citoyens excédés ont massivement et violemment protesté pour dire halte aux dérives du régime et pour réclamer de meilleures conditions de vie, notamment un accès garanti à l’électricité, secteur géré par Karim Wade, le fils du président. Par Hamadou Tidiane Sy, correspondant à Dakar
D
’habitude très loquace, le président Wade est devenu presque aphone. Un mutisme d’autant plus inquiétant que, pour une fois au moins, c’est
la nation qui lui demande de s’adresser à elle. Son fi ls Karim, plutôt cachottier depuis qu’il est au gouvernement et au cœur de l’État, a senti la nécessité de s’adresser « aux Sénégalais ». Ce qu’il a fait par le biais d’une longue lettre ouverte. Pour « s’expliquer » disent ses amis, pour « pleurnicher », affi rment ses détracteurs.
Bien plus tard, au détour d’une ren-
contre avec la Commission électorale nationale autonome (Cena), Abdoulaye Wade donnera sa propre lecture des faits, à travers une allusion laconique aux « incidents regrettables ». Il promet de
« tirer les leçons » des émeutes du 23 juin, avant d’admettre qu’elles ont démontré à la fois « la fragilité » et « la solidité » de la démocratie sénégalaise. Depuis, le prési- dent Wade a, dans un discours, proposé à ses compatriotes l’organisation d’une présidentielle anticipée. En réalité, selon les observateurs,
peu importe dorénavant ce que Me Wade a dit. Le silence qu’il a rompu et la soudaine prolixité de son fi ls, suffi sent à camper le décor qui prévaut au palais présidentiel depuis que les émeutes ont
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fortement secoué le régime. En haut lieu, on ne s’en cache plus, l’ambiance est tristounette depuis que le peuple, a vio- lemment dit « Non » au régime, en usant d’un slogan plus qu’explicite « Touche pas à ma Constitution ».
usant Une journée historique
Lors de cette journée folle, mais unanimement jugée « historique », le peuple sénégalais s’est pour la première fois rendu devant l’Hémicycle pour rappeler aux députés qu’ils ont été élus, qu’ils sont supposés être à son service et non à celui du pouvoir exécutif. Une première dans l’histoire de la vie poli- tique du Sénégal, pays où on reven- dique plusieurs décennies de démo- cratie. Une fois élus, les membres du parlement se sont toujours mis au service exclusif de l’exécutif, oubliant l’engagement qui les lie à leurs mandants. D’ailleurs, si la journée a été jugée « histo- rique » par tous les Sénégalais, c’est parce que le peuple a pris la parole au lieu de se plaindre devant le fait accompli, comme il l’a souvent fait ces der- nières années. En sortant
oubliant l’engagement les années. massivement massivement
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