Justement, comment imaginez-vous l’évolution du terrorisme actuel ? De quoi se nourrit-il ? Et quelle est la typologie de ses adeptes ? Y a-t-il un avant et après-Ben Laden ? Oui, clairement, on peut opérer une telle distinction
temporelle. Oussama Ben Laden aura été à la fois un chef politique et de guerre dont le leadership a trop marqué une organisation qu’il a créée et dirigée durant vingt-deux ans pour que sa disparition soit à relativiser. De plus, la campagne qu’il a menée internationalement a impliqué les pays les plus puissants de la planète, et la chasse à l’homme dont il a fait l’objet a duré une décennie. Dans un tel contexte, il est évident que sa mort représente l’autre bordure d’une singulière saga entamée en septembre 2001. Celle-ci étant, ultimement, une trajectoire de violence politique, il est tout aussi logique qu’elle ait un impact conséquent sur le type de terrorisme contem- porain. Le terrorisme est donc aujourd’hui dans son cinquième âge, après la période des anarchistes du XIXe
siècle, celle des
bousculé à cette occasion, mais également une Amérique dont l’image aura été écornée de par le monde suite aux guerres en Irak et en Afghanistan et aux crimes commis dans les prisons de Guantanamo, d’Abou Ghraïb et de Bagram notamment. Assurément, le président Bush et ses conseillers néocon- servateurs arrivent à la Maison-Blanche en 2000 avec une prédisposition réformatrice qui se double, pour la plupart, d’une longue expérience au département d’État, à celui de la Défense ou dans les boîtes à idées qui leur sont associés. C’est leur projet : une réaction à ce qu’ils ont vécu durant les années Clinton comme une dilution de la puissance américaine. Malgré sa nature exception- nelle et la magnitude de son impact, le 11-Septembre ne sera, à cet égard, qu’un révélateur de cette orientation présente dès l’origine. Cette orientation n’est pas, comme on le pense souvent de façon erronée, une quelconque conspiration, mais un objectif explicitement affiché dans la production intellectuelle de ces acteurs avec, dès 1992. Les trois points essentiels dans cette vision sont le maintien de la primauté de la puissance américaine par le biais de coalitions ad hoc et d’une diplomatie agressive, l’engagement dans des campagnes de préemption, et le recours à la coercition. Ce qui est frappant, au niveau de la mutation de la configu- ration des relations internationales, c’est à la fois la linéarité et l’accélération du passage d’un « moment unipolaire » vaguement défini au début des années 1990, à un « moment impérial » dix ans après et, de suite, la rationalisation, souvent enthousiaste on l’oublie parfois, de ce second moment. Sommes-nous aujourd’hui, comme je le pense, entrés dans l’après 11-Septembre ? C’est toute la question.
celle des mouvements nationalistes
et enfin le terrorisme dit religieux
des trente dernières années.
des décolonisations, les mouvements d’extrême gauche des années 1970,
est aujourd’hui dans son cinquième âge, après la période des anarchistes du XIXe
siècle, Le terrorisme
mouvements nationalistes des décolonisations, les mouvements d’extrême gauche des années 1970, et enfin le terrorisme dit religieux des trente dernières années. Le terrorisme post Al-Qaïda adopte de plus en plus des formes hybrides, à mi-chemin entre criminalité et insurrection, et il se caractérise de façon croissante par une privatisation selon laquelle la mondialisation permet à des individus isolés de décliner leur auto-radicalisation
« youtubesque » sur le mode terroriste. Au sein même d’Al-Qaïda, on voit apparaître de plus en plus de nationalités différentes dont, d’ailleurs, plusieurs Américains.
La diversification d’Al-Qaïda s’illustre également en Afrique du Nord. À cet égard, la présence d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) menace-elle la stabilité et l’équilibre des pays du Sahel ? Se donne- t-on suffisamment les moyens de traquer ce groupe terroriste qui se joue de toutes les faiblesses des États de la région ? AQMI est une réelle menace, à la fois
pour la région et ses habitants dont elle perturbe le quotidien et l’avenir, ainsi que
pour les partenaires occidentaux du Maghreb dont elle vise les ressortissants. Depuis sa reconversion, en septembre 2006, en franchise nord-africaine et sahélienne, voire ouest-africaine, d’Al-Qaïda, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) algérien a augmenté sa dangerosité, son champ d’action et sa notoriété – trois vecteurs de succès du terrorisme transnational actuel. Pour autant, la stratégie d’AQMI est pétrie de contradictions se caractérisant par un historique obscur lié à un lignage de guerre civile algérienne, un fonctionnement opaque, des motivations plus criminelles que politiques et, au lendemain du vortex sécuritaire en Libye, un retour à la territorialité d’un armement positionné dans des campements qui, en principe, devrait faciliter les opérations antiterroristes régionales. Néanmoins, ces dernières sont pour l’heure affaiblies par un versant bureaucratique lourd et une
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