peu de prosélytisme auprès des autres membres de la diaspora et convainc trente autres étudiants d’origine africaine de le rejoindre à Assas. C’est avec eux qu’il fonde la CEZA (Communauté des étudiants zaïrois), à travers laquelle il organise colloques, rencontres et débats. « Je me suis alors rendu compte à quel point le GUD était nuisible : ses membres ne supportaient pas l’idée que nous étudiions au même endroit qu’eux, pas non plus que nous nous orga- nisions en association ; ils faisaient tout pour nous intimider, mais nous avons tenu bon : c’est le pre- mier combat que nous avons rem- porté contre l’intolérance ». Il termine son cursus à
Assas par un DEA en finance et fiscalité et décide de pro- longer ses études par un DEA en anthropologie sociale à l’EHESS, un choix motivé par un combat personnel : « Un de mes amis péruvien, d’origine africaine, éprouvait des diffi- cultés à se marier avec sa fiancée, une Française de souche. C’était tout simplement parce que les employés des mairies ne voyaient pas ce mariage d’un bon œil et avançaient les arguments les plus fallacieux pour l’empêcher, par- ticulièrement dans les mairies ancrées à droite. J’ai donc mené mon doctorat sur ce sujet, sous la direction d’Emmanuel Terray, le célèbre anthropologue. J’ai trouvé une vraie-fausse future conjointe et j’ai pu mener une enquête de terrain. ». Au début des années 1990, alors que ses études tou- chent à leur fin, il a trouvé sa vocation : il veut aider ses com- patriotes à obtenir justice.
C’est ainsi qu’en 1991, il
prête serment en tant qu’ex- pert judiciaire interprète-tra- ducteur et s’installe en libéral à Maisons-Alfort, non loin d’une cité. Il est vite débordé par le travail, mais plus en tant qu’écrivain public que conseil juridique. « Je voulais aider mes frères et sœurs, mais la partie la plus rébarbative de mon travail a commencé à prendre sérieusement le pas sur l’usage le plus essentiel que j’aurais pu faire de mes com- pétences. En plus, j’ai reçu une convocation des Renseignements généraux qui paraissaient surpris qu’un certain nombre d’étrangers, qui jusqu’alors semblaient mal maîtriser le français, aient sou- dainement changé de style : ils en avaient l’air mécontent… Toute ma vie, je me suis battu contre ce genre d’injustices mesquines et racistes ». Grâce à ses compé- tences, très rares à l’époque, il devient la coqueluche des juges d’instructions qui lui deman- dent peu à peu de traduire toutes sortes de documents, parmi lesquels des écoutes télé- phoniques. Il a de plus en plus l’impression de devenir un espion, un rôle qui le pousse à arrêter d’exercer son activité d’interprète traducteur. L’un de ses amis, Fidèle
Martoux, responsable juri- dique de SOS Racisme, fait alors appel à lui pour l’assis- ter à la commission juridique de la célèbre organisation de lutte contre les discriminations. Nous sommes alors en 1996. Il passera les dix années suivantes au sein de l’association. Son rôle consiste à travailler régu-
J’avais trop peur que mes amis sapeurs ne me détournent de mon objectif, alors je passais l’intégralité de mes journées entre les amphis, les travaux dirigés et la bibliothèque.
lièrement avec des avocats, car, afin de combattre les discrimi- nations, ils cherchent à judicia- riser le plus d’affaires possibles et collaborent avec l’ensemble des parquets de France. Il com- prend qu’il doit prêter serment et devenir à son tour avocat, afin de pouvoir aider au mieux
« ceux qui sont différents ». « Je n’ai pu passer le barreau de Paris qu’en 2006, après voir obtenu la nationalité française ».
Combattre les violences faites aux femmes Mais la vie de Michel Pom-
bia avait commencé à prendre une tournure plus internatio- nale dès 2001, date à laquelle il décide de prêter serment en RDC. Malgré le temps passé loin de son pays d’origine, il souhaitait y revenir pour par- ticiper à sa reconstruction et jouer un rôle d’interface avec la France. « J’y étais retourné pour les vacances, mais j’avais peu à peu perdu contact avec la réalité du pays, si bien que ce n’est qu’en 2006 que j’ai ouvert un cabinet d’avocat d’affaires à Kinshasa. J’étais heureux de pouvoir, enfin, utiliser mon diplôme de fiscaliste. En France, j’ai dû envoyer un mil- lier de candidatures sans jamais être sélectionné, certainement à cause de mes origines. À Kinshasa, au contraire, je bénéficie d’une bonne réputation du fait de ma formation française et d’un bon réseau, car un certain nombre de mes amis occupent désormais des postes à responsabilité ». Depuis, il passe un mois à Kinshasa tous les trois mois. Là- bas, il mène plusieurs activités de front puisqu’il a également fondé une antenne de SOS Racisme et de Ni putes ni sou- mises, l’association de défense des droits de la femme fondée par Fadela Amara. Il espère ainsi faire évoluer la situation des minorités et combattre les violences dont les femmes sont victimes. Mais, comme il le reconnaît lui-même, « c’est SOS tribalisme qu’il aurait fallu
fonder ! Quant à la situation des femmes, notre tâche est immense : avec la situation de guerre civile permanente dans l’est du pays, on dénombre en moyenne un viol toutes les 38 minutes ». La carrière de Michel Pom-
bia a aujourd’hui atteint un tournant : « désormais, je me sens plus utile en RDC. Ici, en France, la relève est assurée et c’est désormais à eux d’assurer le lien entre les membres de la diaspora et le système judiciaire. À Kins- hasa, je collabore avec beaucoup de jeunes avocats en leur offrant de travailler gratuitement dans ma structure : j’ai pu mettre en place une sorte de système d’en- traide ». Il regrette que son activité militante associative en RDC n’ait pas autant de poids qu’il le voudrait, les associations n’étant pas considérées comme des interlocuteurs valables par le gouvernement, malgré les très nombreuses propositions qu’il a pu formuler.
C’est la raison pour laquelle,
depuis trois ans, il s’est rappro- ché du parti politique de centre- droit de Florentin Mokonda Bonza, la Convention des démocrates chrétiens (CDC). Ce dernier, actuellement séna- teur, est un ancien ministre et directeur de cabinet de Mobutu. En attendant de, peut-être, s’im- pliquer plus vigoureusement dans la vie politique congolaise, Michel Pombia a été nommé représentant de la CDC en France et tente d’obtenir des soutiens de la part des partis politiques français. Mais la tâche est ardue : « Ils nous reçoivent avec beaucoup de courtoisie, mais, dès qu’il s’agit de nous aider concrè- tement, il n’y a plus personne… ». Alors, pour donner plus de
poids à son combat, il songe à se présenter aux élections géné- rales de 2011 pour accéder à la députation. « Je suis persuadé que d’accéder au mouvement parle- mentaire est le seul moyen pour moi de faire bouger la situation en RDC… ». Gageons qu’il ne s’arrêtera pas en si bon chemin.
Septembre - Octobre 2011 • NEW AFRICAN • 75
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