En couverture Tunisie
Kamel Morjane a-t-il une vie après Ben Ali ? La veille de la chute de
Ben Ali, ses compatriotes lui trouvaient beaucoup de qualités : fils d’un leader nationaliste qui fut très proche de Bourguiba, devenu fonctionnaire international, il a occupé des postes importants dans le système des Nations unies, mais aussi dans son pays (ambassadeur à Genève, ministre de la Défense, puis des Affaires étrangères). Cordialement détesté par Leïla Ben Ali, il est tenu à l’écart par le clan Trabelsi. Au lendemain de la chute de l’ancien régime, les défauts de Kamel Morjane sont devenus incommensurables : natif de Hammam-Sousse, ville natale de Ben Ali, il est marié à l’une des nièces de l’ex-Président. Ayant été membre du bureau politique du Rassemblement constitutionnel démocra- tique, ne fût-ce qu’à ce titre, il a perdu, aux yeux de beaucoup de Tunisiens, le droit de nourrir des ambitions politiques dans la Tunisie post-Ben Ali. Pis, Morjane est concerné par une plainte pour détour- nement d’argent public et abus de pouvoir déposée par 25 avocats tunisiens contre lui et neuf autres dirigeants du RCD. Il a même été entendu le 21 avril par un juge d’instruction du Tribunal de première instance de Tunis et laissé en liberté en attendant la clôture de l’enquête. L’ancien diplomate, sourd aux critiques de ceux qui lui reprochent ses accoin- tances passées, a créé son propre parti, Al Moubadara (« L’Initiative »), autorisé le 1er
avril, et multiplie
les meetings. Même si la nouvelle loi électorale,
10 • NEW AFRICAN • Septembre - Octobre 2011
qui interdit aux anciens membres du gouvernement et dirigeants du parti au pouvoir sous Ben Ali, l’empêche de présenter sa candidature à l’élection de l’Assemblée constituante, et sans doute aussi aux scrutins suivants, Kamel Morjane continue d’y croire et d’y aller, fort du soutien de certains lobbies politiques et des affaires, notamment dans la région du Sahel (littoral Centre-Est). Né en 1948, ce diplômé de la faculté de droit et de l’École nationale d’administration de Tunis, de l’Institut des hautes études internationales de Genève, de l’université de Wisconsin et de l’Académie de droit international de La Haye, a enseigné le droit international à Genève avant d’intégrer, en 1977, le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), au sein duquel il assure des missions à Djibouti et en
Égypte, avant de prendre la direction de l’Asie du Sud-Est, Afrique du Nord et Moyen-Orient, au lendemain de l’occupation du Koweït en 1990. En juillet 1994, il est muté à la direction Afrique. Deux ans plus tard, il est nommé ambassadeur et représentant permanent de la Tunisie auprès de l’Office des Nations unies à Genève. Il est ensuite nommé représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour la République démocratique du Congo, avec rang de Secrétaire général adjoint jusqu’à 2001, année de son retour à Genève comme numéro deux du HCR chargé des opérations. En août 2005, Ben Ali le rappelle en Tunisie et le charge du ministère de la Défense. Le 14 janvier 2010, un an jour pour jour avant la chute de ce dernier, il hérite du portefeuille des Affaires
Kamel Morjane.
étrangères. Portefeuille qu’il gardera dans le premier gouvernement post Ben Ali, avant d’être contraint de démissionner, deux semaines après, sous la pression de l’opinion publique qui exige le départ de toutes les personnalités issues du RCD. Le rejet viscéral des anciens collabo- rateurs de Ben Ali ne semble pas gêner outre mesure cet ancien apparatchik, qui continue à croire à sa bonne étoile. ●
Mohamed Jegham : son avenir est-il derrière lui ? Aux yeux des révolu-
tionnaires tunisiens, Mohamed Jegham a tous les défauts : il était l’un des proches collaborateurs de Ben Ali, son ministre (du Tourisme, de l’Inté- rieur, de la Défense), son chef de cabinet, son ambassadeur (en Italie), et un haut cadre du parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocra- tique (RCD). Ce natif de Hammam-Sousse ne manque cependant pas de qualités. Il a en effet quitté le gouvernement de Ben Ali en 2001 et le RCD en 2003, donc assez tôt,
et avant que le régime ne sombre dans la corruption. Il était également l’un des rares proches collaborateurs du dictateur à avoir une réputation d’honnêteté et d’intégrité, ce qui lui a d’ailleurs valu sa disgrâce prématurée. Sa bonne réputation énervait au plus haut point Leïla Trabelsi qui a exigé son départ. Pour ne rien arranger, Jegham a cru de son devoir d’attirer l’attention de Ben Ali sur les abus des membres de sa famille alimentant la rumeur publique et nuisant à son prestige de chef d’État. La goutte d’eau qui
a fait déborder le vase. Mohamed Jegham
est né en 1943. Orphelin de père à l’âge de deux ans, ce diplômé de l’École nationale d’administration a obtenu son premier poste, à 25 ans, au ministère de l’Intérieur. Toute sa carrière s’est d’ailleurs déroulée dans l’administration publique. Il a gravi tous les échelons et travaillé dans de nombreuses régions : Béja, Gafsa, Jendouba, Bizerte, Gabès, Tunis-Sud, Sousse… Il a aussi dirigé des entreprises publiques, avant de revenir au ministère de l’Intérieur en 1988, peu de temps
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