dans la rue, les Sénégalais ont claire- ment exprimé leur refus du diktat de la majorité et ont refusé un énième amendement de la Constitution qui, en d’autres circonstances, serait passé comme lettre à la poste.
Les députés prévoyaient en effet de voter une loi jugée « scélérate » et taillée
« sur mesure » pour satisfaire la prési- dence. La modification de la Consti- tution et la loi électorale était censée permettre l’élection du président de la République avec 25 % des voix (contre au moins 51 % selon les textes actuels) et instaurer un système de « ticket pré- sident/vice-président ». Des réformes prévues à moins de huit mois de l’élec- tion présidentielle à laquelle Abdoulaye Wade (85 ans) avait déclaré être à nou- veau candidat. Malgré le tollé suscité dès l’annonce,
en juin, que l’examen de ces amende- ments serait soumis à l’Assemblée, le
gouvernement a cru bon de passer outre. En dépit des déclarations des partisans du pouvoir expliquant qu’il s’agissait
« d’approfondir et de consolider la démo- cratie sénégalaise », l’opposition, soute- nue par une grande partie du peuple et d’importantes organisations de la société civile, s’est levée contre cette réforme. La mobilisation populaire qui s’en est sui- vie n’a laissé d’autre choix au président Wade que de retirer son projet de loi.
Nouveau revers Nombre d’analystes estiment que c’est un sévère revers au « projet de dévo- lution monarchique » du pouvoir. La for- mule est en vogue à Dakar pour évoquer la volonté prêtée au président Wade de voir, coûte que coûte, son fi ls lui succé- der à la tête de l’État où l’ont démocrati- quement porté les suffrages en 2000. Déjà, lors des élections locales de
La mobilisation populaire qui a suivi l’annonce de la réforme de la Constitution n’a laissé d’autre choix au président Wade que de retirer son projet de loi.
« l’unité » à ses partisans, l’opposition sénégalaise dite « signifi cative », pourtant requinquée par les récents événements, se trouve coincée dans cette unité circonstancielle et de façade. Après avoir lancé avec succès Bennoo Siggil Senegal (Unis pour redresser le Sénégal) lors des élections locales de 2009, la voilà qui, à quelques mois de la présidentielle, est sans candidat déclaré. Ni candidat de consensus, ni candidatures plurielles. Les ténors de cette coalition, Moustapha Niasse de l’Alliance des forces de progrès (AFP), Tanor Dieng du Parti socialiste (PS),
2009, le peuple s’était exprimé sur ce projet de dévolution monar- chique du pouvoir en votant contre le Parti démocratique sénégalais (PDS, au pou- voir), et contre ses alliés de la majorité dans l’ensemble du pays. Ce refus était d’autant plus clair que le PDS avait perdu jusque dans le bureau de vote où Karim Wade était
L’opposition prise à son propre piège À force de promettre
Abdoulaye Bathily de la Ligue démocratique (LD), pour ne citer que les plus en vue, n’ont toujours pas déclaré leur candidature. Drôle de situation où chacun voulant préserver « l’unité » en espérant en tirer les dividendes le moment venu, se refuse par contre à laisser le champ libre à d’autres. Bennoo Siggil Senegal n’arrive pas à trouver un candidat de consensus tout en redoutant de voir son unité voler en éclat. Cet état de fait inédit dans les annales politiques fait qu’aucun des ténors de l’opposition n’a encore proposé de programme aux Sénégalais (si
inscrit. À l’époque, les citoyens avaient suspecté le Président d’avoir placé son fils sur les listes électorales afin de le positionner à la mairie de Dakar. Mais ce nouveau revers émanant
de la « rue » – jadis entièrement acquise à Wade – a largement dépassé le carac- tère républicain et la portée symbolique de la défaite électorale de mars 2009. Pour les acteurs politiques du pouvoir et de l’opposition, comme pour les ana- lystes et les acteurs de la société civile, le 23 juin restera, pour plusieurs raisons, une date « historique » pour l’ensemble de la nation sénégalaise. « Pendant longtemps, on a spéculé sur ‘l’apathie’, la ‘peur’, la ‘docilité’ du peuple sénégalais accablé par le chômage, les délestages, les inondations, et les tracas quotidiens d’une vie de plus en plus insupportable. Le tout dans un contexte marqué par l’obscuran- tisme distillé à longueur de journée par des charlatans qui se font appeler ‘mara- bouts’. Le 23 juin 2011 a apporté un cinglant démenti à cette perception et balayé au passage les analyses pessimistes des sociologues et autres politologues sur la jeunesse sénégalaise », écrit l’économiste Demba Moussa Dembélé dans une longue contribution intitulée Retour sur la journée mémorable du 23 juin. Cet intellectuel engagé, conclut à propos du président Abdoulaye Wade : « S’il y a
ce n’est que Wade doit partir). Par conséquent, les candidats indépendants (plus d’une demi-douzaine déjà déclarés) et quelques petits candidats issus de l’opposition ou des fl ancs du pouvoir ont affi rmé très tôt leur intention de se présenter.
Les opposants n’ont pas retenu la leçon du soutien collectif à Abdoulaye Wade en 2000. Élu grâce à une large coalition, Me Wade, dès son entrée en fonction, avait rappelé à ceux qui l’avaient soutenu que c’est lui (Wade) que « le peuple a élu ». De même, rien n’interdirait à un candidat consensuel, issu de l’actuelle opposition, de
renvoyer ses potentiels soutiens à leurs études en arguant que rien n’oblige le Président élu à gouverner avec ceux qui l’ont porté au pouvoir. Le régime n’étant pas parlementaire et le Président étant élu au suffrage universel direct, le seul dépositaire du pouvoir est le Président et le seul engagement qui le lie à ses alliés est d’ordre « moral ». Or on sait que politique et morale ne vont pas toujours de pair. Particulièrement au Sénégal où les
spectaculaires retournements de situation ont lieu à un rythme tel que le concept de « transhumance » fi gure dans le lexique politique.
Septembre - Octobre 2011 • NEW AFRICAN • 45
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