MAROC POLITIQUE À PAS COMPTÉS Démocratisation
La révision constitutionnelle marocaine soumise à référendum le 1er
juillet a recueilli 98 % de votes positifs pour 74 % de participation,
selon les chiffres officiels. Ces chiffres, déclarés unanimement crédibles par la classe politique marocaine (une trentaine de partis politiques officiellement représentés, des communistes aux islamistes), étonnent pourtant à l’extérieur du pays. Par Olivier Deau, coordinateur du centre d’analyses et publications à l’Institut Amadeus
L
es résultats du référendum ont démontré que les ruptures politiques au Maroc ne se pro- duisent que sous l’impulsion du sommet de l’État. Le roi
Mohammed VI s’était prononcé en faveur du texte, ce qui a mis en branle des mécaniques bien huilées. Certains observateurs, en connais-
seurs un peu amusés, ont relaté les petites histoires de ce plébiscite tant attendu ; cette vieille dame, raconte le quotidien espagnol El Pais, que son gar- dien de parking, officiant à l’occasion comme indic de police, a convaincu de venir voter pour « Monsieur Consti- tution », car c’était un bon candidat ou, plus amer, ce responsable politique de gauche, Ali Bouabid, qui livre sur sa page Facebook son sentiment sur le peu de cas que les officiers du bureau de vote, tous fonctionnaires ministériels, font du contrôle des identités. Nombreux aussi sont ceux qui ne se sont pas rendus aux urnes par manque d’envie ou de temps, mais dont le chef de famille s’est déplacé pour accomplir leur devoir civique à leur place. Il n’empêche que le résultat est proclamé et que l’ensemble des chan- celleries du monde le reconnaît comme légitime.
Les pays occidentaux qui redoutent
depuis longtemps que le monde arabe soit proche de l’explosion, cherchent un modèle de gouvernance et de réformes qu’ils pourraient soutenir et promou- voir. Ces dernières années, c’est souvent vers le Maroc, cet apparent îlot de sta- bilité, qu’on a regardé. Il est vrai que le régime y est disposé, plus qu’un autre,
24 • NEW AFRICAN • Septembre - Octobre 2011
au dialogue international. Non pas par philanthropie ou humanisme, mais en raison de ses intérêts bien compris. Il ne peut tout à fait déplaire aux puissances qui composent le Conseil de Sécurité, car la gestion hautement stratégique du dossier du Sahara en dépend. Enfin, le développement économique nécessite des investissements importants dans les infrastructures et les ressources humaines que peuvent, entre autres, lui apporter les fonds de coopération et les compagnies privées de l’Europe et des États-Unis.
Une frustration sociale bien présente Stabilité certes, mais non quiétude
totale ; les événements régionaux ont provoqué un réveil politique. Long- temps marqués par les tabous issus des années de pouvoir autoritaire, les Maro- cains ont néanmoins réagi de manière synchrone aux aspirations politiques de leurs voisins. À la nuance près que ce n’est pas la personne du chef de l’État qui cristallise les mécontentements, mais plutôt un sentiment de corruption généralisée et d’abus de pouvoir d’une classe dominante uniforme et solidaire. Les langues se délient et on parle beau- coup des personnalités qui détiennent de puissants leviers politiques et écono- miques à l’ombre de la cour. Les conversations politiques ne se tiennent plus à mi-voix comme auparavant. La frus- tration sociale est d’autant plus perceptible que rien, ou presque, ne permet au
citoyen ordinaire une ascension sociale ; ni le système éducatif à deux vitesses, ni un petit entreprenariat en manque de soutien financier ou technique, ni même la vie politique militante, apa- nage d’élites qui ne cherchent guère à élargir leur base, mais plutôt à s’attirer le consentement du palais. Le régime marocain a maintes fois
répété avec conviction, et sans doute à raison, que la voie démocratique était irréversible dans sa démarche. La Constitution votée le 1er
juillet a même
de facto sacralisé « l’option démocratique » puisque toutes les dispositions relatives aux droits de l’Homme, à la parité hommes/femmes, et au fonctionne- ment démocratique des institutions, ne pourront plus faire l’objet de révision constitutionnelle. Mais ce qui menace la démocratisation marocaine, c’est la peur du clivage ou de l’affrontement politique d’ampleur, tel que le Maroc a pu le connaître dans les années 1960. Au fond, l’ensemble des élites, Palais et partis politiques, partagent cette même appréhension qui les a conduits à renon- cer à la stratégie du militantisme ou à celle de la rue.
Le régime marocain a maintes fois répété avec conviction, et sans doute à raison, que la voie démocratique était irréversible dans sa démarche.
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