« Il faut s’appuyer sur le code du travail et le règlement intérieur et les faire appliquer »
Directeur d’une plate-forme logistique
Quand Antoine V. est arrivé à la direction d’une plate-forme logistique dans la distribution en 2012, certains faisaient la prière dans les allées. Il a mis fin à cette pratique. « Il faut s’appuyer sur le code du travail et le règlement intérieur et les faire appliquer. J’ai mis en avant l’obligation de garantir la sécurité du personnel. Aujourd’hui les règles ont été expliquées, et sont respectées ». Ainsi, il met à dispo- sition du personnel des brumisateurs quand le ramadan a lieu en été. « La religion s’arrête aux portes du lieu de travail. Le règlement exige d’avoir une tenue de travail. Nous avons 2 femmes Chefs d’équipe et une population majoritairement mascu- line, mais pas d’incident. Si un intérimaire refusait de serrer la main d’une femme, nous mettrions fin à sa mission immédiatement ». Un représentant syndical a été sanctionné pour insulte discriminatoire. « Le Directeur doit avoir un comportement exemplaire et respectueux, être juste et droit, conseille-t-il. Et il faut de bonnes doses de diplomatie et de pédagogie ». Depuis l’attentat contre Charlie Hebdo il y a 2 ans, dans la zone où se situe la plate-forme d’Antoine V., en Rhône-Alpes, la gendarmerie a nommé un référent, à qui des informations sur la radicalisation peuvent être remontées. « L’attentat de St-Quentin Fallavier le 26 juin 2015, où un chauffeur-livreur a décapité un chef d’en- treprise, a marqué les esprits. Il faut être vigilant sur le savoir-être ».
Détecter les signes de radicalisation
Claude Solarz,
« Le rôle citoyen de l’entreprise, c’est d’apprendre à vivre ensemble dans la neutralité »
Vice-Président de Paprec
Le groupe Paprec, spécialiste du recyclage et de la valorisa- tion des déchets, a mis en place une charte de la laïcité il y a 3 ans : « La laïcité favorise la cohésion d’entreprise, le respect de toutes les diversités et le vivre ensemble ». Elle rejette tout prosélytisme, met en avant le devoir de neutralité et l’égalité homme-femme. L’article 6 est ainsi formulé : « Conformé- ment à la loi, nul ne peut se prévaloir de son appartenance religieuse pour refuser d’exécuter sa mission ou pour pertur- ber le bon fonctionnement de l’entreprise ». Jointe au règle- ment intérieur, la charte est signée par les salariés, y compris les nouveaux entrants depuis lors. « Travailler ensemble, c’est mettre en valeur ce qui nous unit et laisser de côté ce qui nous sépare, notamment les valeurs religieuses, explique Claude Solarz. Le rôle citoyen de l’entreprise, c’est d’apprendre à vivre ensemble dans la neutralité. Chaque manager fait appliquer les règles ; il n’y a pas eu de litige. Les salariés ne doivent pas porter de signe religieux ostentatoire. Ils revêtent les tenues fournies par Paprec, ne prient pas sur le lieu de travail. La cantine pro- pose des plats variés, et on peut apporter sa gamelle. » Le groupe s’adapte : ceux qui le souhaitent peuvent, lors du ramadan, remplacer la pause de midi par un départ une heure plus tôt le soir. De 4.500 personnes, le groupe va passer cette année à 8.000 salariés, avec le rachat en décembre 2016 à Saur de sa filiale propreté, Coved. « Nous allons réexpliquer nos valeurs ». Et de conclure : « Alors que certaines entreprises ren- contrent de plus en plus de problèmes liés à la religion, s’il y a une volonté de cultiver des valeurs et d’agir, nous pouvons agir, même si ce n’est pas forcément facile à appliquer ».
Identifier un processus de radicalisation ne se fait pas sur la base d’un seul indice mais d’un faisceau d’indicateurs relatifs à l’environnement personnel, aux ruptures, aux discours : contexte social et familial : environne- ment familial fragilisé, situation d’échec scolaire, social, vécue souvent comme une injustice, engendrant le besoin de se voir reconnaître une place dans la société. La multiplicité des échecs peut conduire à choisir la radicalisation. individus très fragiles et influençables, en quête d’idéal, en recherche de reconnaissance identitaire, affective et de valorisation. réseaux relationnels (famille, amis, collè- gues..) déjà inscrits dans un processus de radicalisation, pouvant influencer et inciter à se radicaliser. modification brutale du comportement, au niveau familial, amical, professionnel et identitaire ; pratique religieuse devenant hyper ritualisée ; discours complotiste, conspirationniste, victimaire, prosélytisme ; La radicalisation se définit par 3 caractéris- tiques cumulatives : un processus progres- sif, l’adhésion à une idéologie extrémiste et l’adoption de la violence. Il faut être vigilant sans paranoïa. Si vous êtes inquiet et/ou remarquez un chan- gement brutal du comportement, faites un signalement à la gendarmerie, au numéro vert 0 800 005 696 ou sur le site
stop-djihadisme.gouv.fr. Ce site donne de nombreux éléments de compréhension du phénomène. Le signalement fera l’objet d’une évaluation établissant le niveau de radicalisation de la personne. Le magistrat Jean-Pierre Laffite souligne : « Signaler c’est prévenir et protéger ».
Antoine V.,
JANVIER-FÉVRIER 2017 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE N°111
95
©
C.CALAIS
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