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« Nous prônons une gestion intelligente et globale du risque »


Interview de Bernard Bismuth, Président du Club Rodin


Le Club Rodin, Think Tank géré par la FIEEC (Fédération des Industries Electriques, Electroniques et de Communication) vient de publier un ouvrage collectif intitulé « Réinventer notre industrie : le rôle essentiel des achats » dans lequel il défend notamment les idées que le prix ne doit pas être le seul critère dans les relations clients-fournisseurs et que l’industrie française peut trouver sa place dans les phases de démarrage des produits.


Supply Chain Magazine : Pourquoi un ouvrage sur la nécessité de réinventer l’industrie en France ? Bernard Bismuth : Nous constatons le départ progressif de toute notre indus- trie, non seulement de la production, mais aussi de la R&D qui a suivi. Vous savez sans doute que la France était le numéro un mondial de la fabrication de téléphones portables en 2000 : aujour- d’hui, il n’y en a plus un qui est fabriqué dans l’Hexagone. Pour les ordinateurs, c’est pareil. Et en ce qui concerne l’au- tomobile, beaucoup d’équipements élec- troniques ne sont plus fabriqués en France. Nous avons clairement l’impres- sion que la chaîne aurait pu mieux se comporter. Certes, sur les produits où la part du coût de main d’œuvre est très importante, avec de gros volumes et des produits très stables, il est clair que la sous-traitance dans les endroits les moins chers au monde ne fait même pas débat. Mais il y a des phases de démar- rage dans la vie des produits, qui sont riches en valeur ajoutée, surtout dans nos métiers de l’électronique, et la France et l’Europe ont toujours un rôle à y jouer. Si nous ne les préservons pas, si nous ne veillons pas à construire sur ces sujets-là, nous allons vers un déclin qui est lourd du point de vue industriel et qui affecterait notre civili- sation toute entière.


SCMag : Quel est l’objet de ce livre ? B.B. : De faire prendre conscience à notre industrie, et en particulier aux donneurs d’ordres, qu’il existe un espace important de création de valeur ajoutée entre le fournisseur et le client, sans res- ter focalisé uniquement sur l’aspect prix. Or ce type de bonne pratique s’oublie très vite chaque fois qu’il y a une crise, les acheteurs se tournant quasi-auto- matiquement vers le moins-disant, sans prendre en considération les coûts indi-


rects. Nous faisons ressortir dans ce livre qu’il existe une potentialité énorme pour le rôle des acheteurs, s’il est joué d’une manière plus intelligente et plus coopérative, de dégager une valeur glo- bale qui soit meilleure non seulement pour les entreprises pour lesquelles ils travaillent, mais aussi pour l’environne- ment fournisseur. C’est une idée qui a d’ailleurs été soulevée par plusieurs éco- nomistes, au premier rang desquels Michael Porter(1)


. Dans son article sur la


valeur partagée (Shared Value), ce der- nier fait ressortir que le fait de ne pas se préoccuper des éventuels dégâts sur son environnement fournisseur de la valeur que l’on crée non seulement ne garan- tira pas une création de valeur optimale, mais surtout, la rendra temporaire. Le groupe Rodin croit beaucoup plus au fait que repenser la fonction achats, avec une valeur plus globale, sur un plus long terme, peut nous permettre de réinventer l’industrie et de créer davantage de valeur autour de nous.


SCMag : Pourquoi vouloir changer la fonction achats ? N’est-ce pas plutôt le rôle des Directeurs Supply Chain d’estimer tous ces coûts cachés que les achats ne prennent pas forcément en compte ? B.B. : Les acheteurs sont mesurés sur des décisions à court terme. Dans l’élec-


(1) Michael Porter est aussi l’inventeur de l’idée de la chaîne de la valeur dans un de ses ouvrages publiés en 1985, qui est à la base du concept de Supply Chain Management.


tronique comme ailleurs, ces décisions sont sans doute contrebalancées par la Supply Chain, mais probablement pas assez. La prise de conscience est en marche, mais il me semble que peu d’entreprises sont capables aujourd’hui de juger leurs acheteurs avec un TCO et non pas un prix. Savez-vous ce qui bloque surtout dans nos métiers ? C’est que si cette Supply Chain est parfaite- ment maîtrisée avec le fournisseur N-1, qui est en général assez solide pour devenir un acteur avec lequel on tra- vaille sur un certain long terme, c’est bien plus rarement le cas avec les four- nisseurs de rang N-2 et plus, sachant que les chaînes vont souvent jusqu’au rang N-6. Le constat, c’est que l’esprit de la Supply Chain ne descend pas les différentes couches de la sous-traitance, où c’est souvent le règne du chacun pour soi. Il y a plusieurs raisons à cela. L’une d’elles est que quand vous des- cendez de niveau, les entreprises ne sont pas très grandes, notamment en France. Si vous êtes une société de 30 ou 40 personnes, vous n’avez pas les moyens de discuter avec celui qui est au-dessus de vous, qui se contente de vous mettre une pression un peu plus forte encore que celle qu’il subit lui- même. Se réinventer, c’est changer d’état d’esprit, mieux collaborer, choisir ses fournisseurs sur un plus long terme, s’assurer qu’ils investissent pour vous suivre techniquement et qu’ils partici- pent à l’innovation du produit final que vous voulez réaliser. La spécificité de l’électrique et de l’électronique, notam- ment dans le monde professionnel, c’est que la pièce, au-delà de son aspect géo- métrique, a une fonctionnalité qui s’in- tègre dans le produit final et enrichit sa valeur. Et quand l’ensemble de la chaîne se met à réfléchir, il peut sortir des choses très intelligentes et inventives qui bénéficient au produit final. Le donneur


AVRIL 2012 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°63 41


©JL ROGNON


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