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ANALYSE


AFRICAN BANKER JANVIER - FÉVRIER - MARS 2012


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administratives (cas du Mali) ou bien d’être exclusivement orientés vers l’éducation, la santé, la sécurité et les structures de production.


Le financement des ménages Il est devenu depuis peu un produit


d’appel pour les banques qui ont parfois tendance à privilégier les crédits aux salariés, notamment aux fonctionnaires, plutôt que de répondre aux besoins des entreprises. La phobie contagieuse de l’immobilier


dans les capitales africaines pourrait endetter les particuliers au-delà des limites du possible, et conduire à des sinistres assimilables à ceux que l’on a connus récem- ment aux États-Unis avec les subprimes, et en Espagne. Certains financements à finalité sociale :


accession à la propriété, avances pour scolarité et santé par exemple, trouvent par contre leur justification. C’est pourquoi ils devraient bénéficier des faveurs des États (taux bonifiés, garanties collectives, ressources affectées, etc.)


Le financement des entreprises C’est une question récurrente sur


laquelle on ne cesse de parler et, lorsqu’il s’agit de PME/PMI, de se plaindre, sans apporter les solutions adaptées. An risque de me répéter je tiens à


rappeler quelques obstacles que j’ai exposés lors du séminaire qu’organisait à Ouaga- dougou les 22 et 23 novembre derniers « Entreprises en Afrique » 2


. Premier de ces obstacles : ceux qui


tiennent aux entreprises elles-mêmes. Elles sont souvent considérées comme « non bancables » (à commencer par la BCEAO elle-même dans ses « accords de classement »). Il faut convenir qu’il n’est pas sérieux de vouloir créer une entreprise sans le moindre apport personnel Il n’est pas sérieux de ne produire aucune étude de marché, de ne pouvoir présenter aucun document prévisionnel. Et que dire de la fiabilité de la plupart des documents comptables, même certifiés par un commis- saire aux comptes ? Je ne mets pas un instant en doute les


qualités techniques du demandeur, surtout quand il sort d’une grande école. J’insiste pourtant sur le fait qu’en dépit de ses connaissances techniques, on ne s’improvise pas chef d’entreprise.


Les bases de connaissances en matière de


gestion sont indispensables. Un autre obstacle au financement des


investissements est la réglementation. Bien qu’étant aujourd’hui pratiquement toutes privées, les banques ne sont pas libres d’agir comme elles pourraient vouloir le faire. Ce qui est d’ailleurs normal. Une réglementation dite « prudentielle », de plus en plus contraignante, très évolutive et contrôlée, limite notamment les crédits à terme. Le renforcement des règles de Bâle 3 que prépare la Banque des règlements internationaux (BRI) risque d’entraîner de nouvelles réductions.


Les banques commerciales sont des


banques de « court terme ». Les deux tiers de leurs ressources sont à vue, c’est-à-dire susceptibles d’être retirées immédiatement. Les banques ne peuvent pas dès lors transformer ces ressources en crédits de durée largement supérieure. Le risque d’illiquidité qui en résulterait serait vite insupportable. C’est la raison pour laquelle je défends


le principe de la spécialisation des insti- tutions financières. On sait le faire pour la microfinance, pour l’habitat social, le crédit-bail, le capital-risque. Pourquoi ne pas créer un crédit d’équipement des PME, une banque des artisans, dotée de ressources et autres moyens pour mettre en place ce que l’on appelle aujourd’hui la « mésofinance » ? Les autorités politiques du Cameroun, du Togo et du Sénégal, rejoignant celles de plusieurs pays anglo- phones, viennent de décider de la création d’institutions financières spécialisées dans l’appui aux PME et à l’agriculture. À mon avis, ces initiatives sont à encourager non seulement par les États eux-mêmes, mais aussi par les bailleurs de fonds souvent en recherche de bons projets et par les institutions nationales concernées par le développement des PME (Chambre de commerce, syndicats patronaux, etc.)


Autre obstacle hélas récurrent : une


justice trop souvent favorable au débiteur. L’Ohada est une excellente initiative et un outil remarquable d’intégration juridique, mais l’usage que l’on en fait est trop souvent déplorable. Le banquier, sans doute parce que considéré comme « pouvant toujours payer », est trop systématiquement condamné dans ses litiges avec des clients


À l’inverse des PME, les grandes


entreprises tiennent généralement les financements qui leur sont nécessaires, soit par appel à leurs maisons mères étrangères, soit par recours aux marchés financiers, soit par les crédits consentis par les bailleurs de fonds africains (BAD, BOAD, BDEAC…) ou étrangers, par le capital-risque ou par recours au crédit-bail. On regrettera tout de même leur peu d’enthousiasme pour les marchés financiers aussi bien en Afrique de l’Ouest (BRVM) qu’en Afrique centrale.


Alors que la crise financière vécue


depuis quelques mois en Europe ne permet pas de mesurer les conséquences pour les économies du Vieux Continent (sauf pour les chefs de gouvernement d‘Italie, de Grèce et d’Espagne pour le moment), l’Afrique doit tirer les leçons des erreurs commises par ceux plus habitués d’ordinaire à donner des leçons qu’à en recevoir. n


même défaillants. Il ne peut faire jouer des garanties pourtant régulièrement prises. Sous le titre « Le débiteur surprotégé en


Afrique », mon ami Ousseynou Sow vient de tirer la sonnette en écrivant, avec son humour habituel : « Lorsqu’on aura fini de détruire les systèmes bancaires à force de protection du débiteur, alors il faudra se souvenir du dicton bamiléké : “que le goût du vin ne fasse pas oublier les jours où il n’y aura que de l’eau” ».


Autant de raisons, parmi quelques


autres, qui expliquent, sans totalement le justifier, les réticences des banques à financer les investissements des PME/PMI.


(1) Entre 2005 et 2010, les émissions d’emprunts obligataires de la Bourse régionale des valeurs mobilières d’Abidjan couvrant tous les États de l’Uemoa ont représenté près de 90 % de son activité. Sur ce chiffre, les États et collectivités locales représentent 90 % et les entreprises du secteur privé seulement 12 %. (2) « Entrepreneurs en Afrique » est financé dans le cadre de la politique française de développement solidaire du ministère de l’Intérieur et piloté par l’Agence nationale Campus France, pour financer l’émergence de PME/PMI technologiques en Afrique (site www.entreprises-en-afrique) courriel : contact@entreprises-en-afrique.com


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