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SYSTÈME MONÉTAIRE


AFRICAN BANKER JANVIER - FÉVRIER - MARS 2012


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Un changement de parité ou de système de change est-il souhaitable ?


Au-delà de la question de la


dévaluation immédiate du franc CFA se pose la question de la réforme du système monétaire dans les zones Cemac et Uemoa. La parité fixe entre le CFA et l’euro pose des inquiétudes dans le contexte de crise qui frappe la zone euro. Cette parité fixe était justifiée jusqu’à présent par les échanges commerciaux étroits entre l’Afrique francophone et la zone euro, la garantie de conver- tibilité du Trésor français et la stabilité de l’euro. Mais la crise laisse craindre une moindre stabilité monétaire, une possible remise en cause de la garantie de convertibilité et un affaiblissement du système bancaire, notamment français, alors même qu’il dispose de nombreuses filiales en Afrique francophone. Un système de change flottant,


ou un système de change fixé sur un panier de monnaies pourrait être envisagé. Abdourahmane Saar imagine ainsi l’introduction de monnaies complémentaires régionales, notamment en Afrique de l’Ouest, avec la création d’une institution chargée de prêter aux agents économiques ne dispo- sant pas de systèmes bancaires de proximité. Les avantages d’une dévaluation sans avoir à la mettre en œuvre seraient ainsi obtenus. Sans compter que cela améliorerait le financement du développement dans les régions les plus isolées. Plusieurs arguments peuvent


expliquer ces interrogations. En premier lieu, le commerce intra- zone des pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale s’est inten- sifié. En outre, depuis 2002, les pays émergents, en particulier les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ont intensifié leurs échanges commerciaux et les investissements directs dans ces zones. Ainsi, le commerce entre les pays de la zone CFA et les BRIC a été multiplié par sept entre 2002 et


La rumeur d’une possible dévaluation du Franc CFA en janvier 2012, a été formellement démentie par la BCEAO et la BEAC, mais elle a eu le mérite de déclencher une réflexion sur l’avenir de la monnaie unique africaine.


2008. Les pays des zones CFA sont ainsi moins dépendants des pays européens. Si la part des échanges avec les pays de l’UE était de 45 % en 1995, elle se situait à 30 % en 2008, un retrait qui a profité avant tout à la Chine (14,5 %) et aux États-Unis (17 %). Le déséquilibre macroéconomique majeur de la zone CFA demeure le déficit du solde des transactions courantes (les indicateurs de croissance et de stabilité des prix étant positifs). Toutefois, si les politiques


monétaires de la BCEAO (Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest) et de la BEAC (Banque des États d’Afrique de l’Ouest) doivent soutenir la compétitivité des exportations, elles doivent aussi contribuer à favoriser les investis- sements structurels (industries de transformation, services, etc.) et à augmenter l’autonomie alimentaire et énergétique pour assurer un développement durable.


Quel avenir pour le CFA ? Certes, la crédibilité interna-


tionale de l’accord CFA – Banque de France a favorisé la stabilité monétaire et éliminé le risque de change, un soutien indéniable au commerce extérieur. Cepen- dant, c’est la Banque de France qui contrôle la politique monétaire du CFA (équivalant à une perte de souveraineté) tout en participant à une politique monétaire des pays de la zone euro, aux caractéris- tiques éloignées de celles des pays


d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. Le Trésor français impose une rigueur certaines aux pays de la zone CFA. Ainsi, il ne consent pas d’avances dépassant 20 % des recettes budgétaires dans chaque pays. Les banques centrales afri- caines, ne pouvant pas utiliser la planche à billets, doivent s’endet- ter sur les marchés financiers ou auprès de banques privées pour se refinancer. Elles sont obligées à une gestion saine, mais ne peuvent baisser leurs taux d’intérêts ou racheter de la dette locale si elles le souhaitent. Si l’on observe la situation actuelle en Europe, où les investisseurs attendent de la Banque centrale européenne qu’elle joue son rôle de pompier, on imagine facilement à quel point l’intervention de la banque centrale est cruciale pour la survie de la monnaie qu’elle gère. Une crise monétaire dans la


zone CFA n’est pas totalement exclue, même si elle est impro- bable pour l’instant. Les attaques spéculatives au Mexique en 1994, et en Turquie en 2000, ciblaient un décrochage des monnaies en système de change fixe (en l’occurrence ancrées au dollar américain). Dans les deux cas, il avait été constaté, d’une part une surévaluation de la monnaie locale, d’autre part, une détérioration de la balance des paiements dans un contexte de forte dépendance vis-à- vis des capitaux étrangers. Dans un système de banque centrale


indépendante du politique, les États ne trouvaient pas de possibilités d’emprunt autres qu’à des taux insoutenables auprès des marchés financiers et des banques privées. Les pressions consécutives au développement de la crise euro- péenne pourraient s’intensifier en 2012, particulièrement si la Grèce devait faire défaut. Un tel événe- ment entraînerait inévitablement une plus grande volatilité de la valeur de l’euro et, partant, du CFA. Un départ de la Grèce de l’Union économique et monétaire (UEM) pourrait accentuer la pression sur les autres États fragiles et provo- quer leur sortie. Si ce scénario se réalise, il est fort probable que l’UEM se recompose autour de ses membres les plus solides, ce qui aurait pour effet une appréciation de l’euro, donc du CFA. Ce serait une mauvaise nouvelle pour les exportateurs de la Zone Franco- phone qui sont déjà relativement peu compétitifs en termes de prix. La pression pour une dévaluation du CFA ne ferait alors que s’accen- tuer. Autrement, l’éclatement de l’UEM pourrait inciter certains pays membres de la Zone Franc à s’en retirer unilatéralement. Les exportateurs de pétrole d’Afrique centrale, tout particulièrement la Guinée Équatoriale, sont ceux qui auraient le plus de raisons de quitter l’union monétaire africaine et de créer une nouvelle monnaie, indexée au dollar, monnaie dans laquelle sont libellés la plupart des contrats d’hydrocarbures. La rumeur d’une possible déva-


luation du F.CFA en janvier 2012 a été formellement démentie par la BCEAO et la BEAC, mais elle a eu le mérite de déclencher une réflexion sur l’avenir de la monnaie unique africaine. Si un changement de politique monétaire en zone CFA ne semble pas être à l’ordre du jour, cela ne veut pas dire que cela soit exclu à moyen terme , surtout si la crise européenne s’accélère. n


1 Sources : FMI, Banque de France. 2 Sources : FMI, Direction of Trade Statis- tics (DOTS). Banque de France.


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