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SYSTÈME MONÉTAIRE AFRICAN BANKER JANVIER - FÉVRIER - MARS 2012


FRANC CFA POURQUOI DÉVALUER ?


La rumeur de dévaluation du Franc CFA est partie de Côte d’Ivoire en novembre dernier. Depuis, elle a été maintes fois démentie. Toutefois, elle soulève des interrogations quant à la viabilité du système de change fixe, mis en place dans les années soixante et resté inchangé depuis, alors même que le contexte économique régional et international a été largement modifié. Par Jeanne Riva


F


aut-il s’attendre à une dévaluation du Franc CFA, comme en 1994 ? Il convient de préciser


que, en 1994, la plupart des pays d’Afrique subsaharienne connaissaient une faible crois- sance économique accompagnée d’un déficit budgétaire et d’un endettement public inquié- tants (l’endettement public au Congo, en Guinée équatoriale et en Côte d’Ivoire atteignait respectivement 303 %, 270 % et 233 % du PIB en 1994, à compa- rer avec 57 %, 6 % et 50 % en 2009)1


. À l’époque, la réponse


avait consisté à mettre en place des zones économiques mieux intégrées. Ainsi, en 1994, l’Union monétaire ouest-africaine se transforme en Union écono- mique et monétaire ouest- africaine (Uemoa), tandis que l’Union douanière et écono- mique de l’Afrique centrale se


transforme en Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Ce mouvement s’accompagne


alors d’un ajustement de la parité du CFA par rapport au franc, la monnaie panafricaine francophone apparaissant comme surévaluée. Soulignons que la France venait de signer en 1992 le Traité de Maastricht inaugurant l’Union économique et monétaire, une décision qui s’est accompagnée d’un durcissement de sa politique monétaire. Cet accord monétaire européen n’a pas remis en cause les accords du Franc CFA avec la France, mais a placé la France dans un contexte de plus grande indépendance monétaire vis-à-vis du politique.


1994, on recommence ? Le parallèle avec la situation


actuelle est facile à faire, mais peu convaincant : dans le contexte de


crise de la dette en Europe, il semble que la France et d’autres pays de l’Union européenne, comme l’Allemagne, s’engagent dans une Union budgétaire renforcée. La rumeur concernant la dévalua- tion du F.CFA a donc un certain sens historiquement parlant ; il n’est guère surprenant qu’elle fasse surface au moment où la crise européenne bouleverse les fondamentaux qui sous tendent la relation Euro-F.CFA. Quel serait l’impact d’une


dévaluation du F.CFA ? Notons pour commencer que, en plus d’être aujourd’hui dans une situation plus stable qu’en 1994, le solde du commerce extérieur est généralement positif en zone Cemac, même s’il reste négatif en zone Uemoa, une situation sans doute temporaire, conséquence de la crise électorale ivoirienne et du fort ralentissement économique de la locomotive de l’Uemoa. L’inté- gration économique et monétaire de ces deux zones a engendré une croissance des échanges si bien que, par exemple, les premiers clients du Togo sont les pays de l’Uemoa. Cependant, les premiers fournisseurs restent les pays de l’Union européenne (UE), suivis des autres pays d’Afrique, et de l’Asie. De ce point de vue, les effets d’une dévaluation seraient positifs


pour encourager les exportations et redresser le solde des opérations courantes. Dans le même temps, le danger évident réside dans l’inflation qu’une telle décision pourrait générer. Cela aurait pour effet notable d’alléger le poids de la dette (mais elle est faible, donc cette vertu n’est pas recherchée), tout en créant une instabilité monétaire susceptible de déclencher une fuite des investisseurs potentiels, voire de leurs capitaux déjà engagés. De plus, cette solution aurait


un effet au mieux temporaire. Tant que la plupart des exportations des pays de l’Uemoa et de la Cemac seront des produits d’extraction minière ou issus de l’agriculture, ils auront moins de valeur ajoutée que les produits de transformation et les services importés. Sans compter que la balance commerciale de ces pays dépend aussi des fluctua- tions des cours internationaux des matières premières. D’après l’économiste sénégalais Abdou- rahmane Saar, président du Centre d’études pour le financement du développement local (CEFDL) de Dakar, une dévaluation s’impose d’autant moins que le niveau des réserves de change de l’Uemoa (environ 40 % de la masse moné- taire) correspond à l’équivalent de sept mois d’importations de biens et services.


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